Amiens : participez à la restauration des Mères maudissent la Guerre de Gabriel Ferrier !

Gabriel Ferrier (1847-1914), Les Mères maudissent la Guerre (détail), 1889. Huile sur toile, 291 x 418 cm. Amiens, musée de Picardie. Photo service de presse. © Arcanes
Les Mères maudissent la Guerre, une toile monumentale de Gabriel Ferrier (1847-1914), demeurait dans les réserves du musée de Picardie, à Amiens, depuis 107 ans. Dimanche 9 mars, alors qu’elle devait s’achever, la campagne de mécénat participatif lancée le 31 janvier avait permis de recueillir, et même de dépasser, les 20 000 euros espérés pour financer sa restauration. Devant ce succès, elle est prolongée jusqu’au 9 avril. La restauration devrait débuter en septembre dans le Grand Salon du musée, afin que le public puisse assister au chantier.
Plus de 240 contributeurs, 24 000 euros collectés : dimanche 9 mars, l’objectif de 20 000 euros que s’étaient fixé l’équipe et les Amis du musée de Picardie en lançant une campagne de mécénat participatif a été non seulement atteint, mais aussi dépassé. Pourquoi, donc, s’arrêter en si bon chemin ? La collecte est prolongée jusqu’au 9 avril avec l’ambition d’atteindre 30 000 euros, soit la moitié de la somme nécessaire à la restauration des Mères maudissent la Guerre de Gabriel Ferrier. Les entreprises seront sollicitées parallèlement pour compléter ces dons.
« Bella detesta matribus »
Gabriel Ferrier a présenté Les Mères maudissent la Guerre au salon de peinture qui se tint sur les Champs-Élysées lors de l’Exposition universelle de 1889. Le sujet de ce grand tableau s’inspire d’un vers du poète latin Horace, « Bella detesta matribus », choisi par Ferrier pour dénoncer les ravages de la guerre à la suite du conflit de 1870. Le tableau fut remarqué : il obtint la médaille d’or et reçut des critiques louangeuses. L’État l’acquit immédiatement et l’envoya à Amiens, où le Grand Salon du musée de Picardie était en cours d’aménagement. La toile monumentale y fut exposée pendant vingt-huit ans.
Gabriel Ferrier (1847-1914), Les Mères maudissent la Guerre, 1889. Huile sur toile, 291 x 418 cm. Amiens, musée de Picardie. Photo service de presse. © Arcanes
Une toile pacifiste victime de la guerre
L’œuvre de Gabriel Ferrier est l’une des toiles à avoir souffert du bombardement d’Amiens par l’armée allemande en mars 1918. Le pavillon nord-ouest fut alors touché : une dizaine de tableaux furent détruits et plusieurs autres endommagés. Les verrières s’effondrèrent, provoquant des lacérations sur les toiles et laissant les lieux à l’air libre. Gravas, humidité et intempéries causèrent d’importants dégâts. Lorsqu’elles furent évacuées, l’été suivant, les plus grandes toiles furent séparées de leur cadre et de leur châssis, puis roulées. C’est le sort que connut le tableau de Ferrier, placé en réserve en l’état pendant 107 ans.
Un dessin préparatoire offert au musée
Le propriétaire de ce dessin, une étude pour deux personnages des Mères maudissent la Guerre, a lui aussi apporté sa contribution à la campagne en cours. Il a annoncé le 9 février son souhait de l’offrir au musée.
Gabriel Ferrier, Étude d'une femme avec son enfant, 1889. Crayon noir et craie sur papier beige, 32,7 x 21,8 cm. © Gauthier Gillmann – Amiens métropole
Les étapes de la restauration
Pierre Stépanoff, directeur du musée de Picardie, a détaillé à France 3 Hauts-de-France l’état du tableau, qui « a subi des déchirures. Il a des lacunes dans sa couche picturale. Il n’a plus de châssis. […] Après 107 ans sur un rouleau, il est forcément déformé. Il va falloir lui rendre sa planéité. Sa couche picturale est encrassée et son vernis est oxydé. La vision que l’on a de ses coloris est complètement faussée. » La restauration sera réalisée par huit à dix spécialistes au musée, devant le public. La première phase se fera à plat, le temps que la toile retrouve sa planéité et que les déchirures causées en 1918 soient réparées. Elle sera ensuite tendue sur un nouveau châssis. Les lacunes dans la peinture seront alors comblées sur la foi de photos anciennes et le vernis, qui a jauni, sera allégé.
Les Mères maudissent la Guerre de Gabriel Ferrier en cours de déroulage dans les salles du musée de Picardie. Photo service de presse. © Gauthier Gillmann – Amiens métropole
Gabriel Ferrier, peintre académique et décorateur
Né à Nîmes en 1847, Gabriel Ferrier entra à l’École des beaux-arts à l’âge de 20 ans. Prix de Rome en 1872 pour un tableau intitulé Une scène du Déluge, il fut pensionnaire de l’Académie de France à Rome de 1873 à 1876. De retour à Paris, il reçut plusieurs distinctions au Salon, ainsi que deux médailles d’or aux Expositions universelles de 1889 et 1900. Son succès lui valut des commandes de décors – pour la Salle des fêtes de l’Hôtel de Ville de Paris et l’hôtel du palais d’Orsay, entre autres – et des achats par l’État, dont celui de Douleur, appartenant au musée d’Orsay et déposé au musée des Beaux-Arts d’Arras. En 1903, il devint professeur à l’École des beaux-arts. Il fut aussi membre de l’Académie des Beaux-Arts et commandeur de la Légion d’Honneur. Bien que considéré comme peintre académique féru de grandes compositions, Ferrier est aussi l’auteur de tableaux de taille plus modeste, portraits et sujets orientalistes dont on redécouvre aujourd’hui le charme.
Gabriel Ferrier, Esquisse pour le décor de la salle des Fêtes de l’Hôtel de Ville de Paris : Les Parfums, 1889. Huile sur toile, 53 x 32 cm. Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. © CCØ Paris Musées / Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
La Broderie des Ursulines, une première campagne réussie
La campagne de mécénat participatif pour le tableau de Gabriel Ferrier n’est pas la première lancée par le musée de Picardie. En 2024, une souscription avait permis de contribuer à l’acquisition, à hauteur d’environ 29 000 euros, de la Broderie d’Amiens, antependium confectionné au XVIIe siècle par les Ursulines de la ville. Cette œuvre fait l’objet d’une exposition : « La Broderie d’Amiens, chef-d’œuvre du Grand Siècle », jusqu’au 6 juillet 2025 au musée de Picardie.
Broderie d’Amiens, XVIIe siècle. Laine, soie, fils d’or et d’argent, perles, cabochons, 293 x 95 cm. Amiens, musée de Picardie. Photo service de presse. © Irwin Leullier