Au Prado, la majesté retrouvée de la reine Isabelle de Bourbon par Velázquez

Diego Velázquez (1599-1660), La Reine Isabelle de Bourbon à cheval (détail), vers 1635. Huile sur toile, 301 x 314 cm. Madrid, musée national du Prado. Photo service de presse. © Museo nacional del Prado
Le portrait équestre de la reine Isabelle de Bourbon, également connue sous le nom d’Élisabeth de France, vient de reprendre sa place après restauration dans les salles consacrées à Velázquez, au musée national du Prado. L’auteur des Ménines a peint ce grand portrait vers 1635 pour faire pendant à Philippe IV à cheval dans le salon des Royaumes, au palais du Buen Retiro. L’intervention a été décidée dans le cadre d’une campagne de restauration portant sur l’ensemble des portraits équestres du maître conservés dans les collections du musée madrilène.
« La reine a retrouvé son allure royale ainsi que la beauté sereine et naturelle avec lesquelles elle a été représentée et, avec une maîtrise unique, le cheval montre une fois de plus ses qualités dans une démonstration de naturalisme que seul un génie comme Velázquez est capable de recréer », a déclaré la restauratrice de l’œuvre, María Álvarez Garcillán. La richesse chromatique et la lisibilité du tableau ont été restituées grâce à un nettoyage de la surface picturale et à un allègement du vernis, dont le jaunissement empêchait d’apprécier les couleurs et la profondeur de la composition.
Le salon des Royaumes au palais du Buen Retiro
La Reine Isabelle de Bourbon à cheval fait partie d’un prestigieux ensemble : les toiles peintes par Diego Velázquez (1599-1660), avec l’aide de collaborateurs, pour le salon des Royaumes du palais du Buen Retiro. Entre 1630 et 1640, cette demeure aux splendides jardins, destinée à devenir le lieu de villégiature de la famille royale d’Espagne, fit l’objet d’un vaste chantier. Le salon des Royaumes en était la pièce maîtresse, décorée par les plus grands peintres de l’époque. Velázquez réalisa pour cet espace d’apparat accueillant fêtes et réceptions cinq portraits équestres : Isabelle de Bourbon, son époux Philippe IV, les parents du roi, Philippe III et Marguerite d’Autriche, et le jeune prince, Baltasar Carlos.
Reconstitution de l'agencement des œuvres sur le mur ouest du salon des Royaumes au palais du Buen Retiro. À gauche, le portrait équestre de Philippe IV, époux d’Isabelle de Bourbon ; au centre, leur jeune fils, le prince Baltasar Carlos. Les trois portraits sont aujourd’hui conservés au musée du Prado. Photo service de presse. © Museo nacional del Prado
Découpes royales
La disposition des portraits royaux dans le salon fut changée en cours d’exécution, impliquant des modifications du format des toiles. Vers 1634-1635, Velázquez fit ajouter et peindre de larges bandes latérales, de 30 centimètres chacune, à gauche et à droite des portraits d’Isabelle de Bourbon et de Philippe IV, pour adapter leur taille à leur nouvel emplacement, sur le mur ouest. Problème : il n’était plus possible d’ouvrir les portes menant au salon, comme le montre l’image ci-dessus. Des découpes ont donc été réalisées dans les portraits. Les parties découpées ont été collées à la porte, pour devenir mobiles. Après leur transfert au Palais royal de Madrid en 1762, les portraits ont été rentoilés et les parties découpées, recousues.
Diego Velázquez (1599-1660), La Reine Isabelle de Bourbon à cheval (photo avant restauration), vers 1635. Huile sur toile, 301 x 314 cm. Madrid, musée national du Prado. Photo service de presse. © Museo nacional del Prado
Un vieillissement problématique
Le portrait d’Isabelle de Bourbon avait donc connu dès l’origine des altérations. En outre, les bandes latérales, comme le révèle la photo avant restauration ci-dessus, avaient vieilli différemment du reste de la toile, peut-être en raison de la pose d’un vernis au XVIIIe siècle. Résultat : ces bandes étaient devenues très visibles. De nombreux repeints alourdissaient aussi la composition. Grâce à leur suppression et au remplacement des vernis anciens devenus ternes, l’œuvre a retrouvé son unité et la finesse des glacis de Velázquez est de nouveau admirable.
Diego Velázquez (1599-1660), La Reine Isabelle de Bourbon à cheval (photo après restauration), vers 1635. Huile sur toile, 301 x 314 cm Madrid, musée national du Prado. Photo service de presse. © Museo nacional del Prado
Un chef-d’œuvre du portrait équestre
Isabelle de Bourbon (1602-1644) était la fille d’Henri IV et de Marie de Médicis. Elle épousa le futur Philippe IV d’Espagne (1605-1665), alors prince des Asturies, en 1615, et fut reine d’Espagne du couronnement de son mari, en 1621, à son décès prématuré, en 1644, à l’âge de 41 ans. Velázquez a fait de son portrait un magistral exercice de style, alliant la puissance, suggérée par la posture de la reine, et l’élégance, dont témoignent le caparaçon du cheval et le somptueux habit de la cavalière. Les historiens de l’art ont décelé dans cette longue robe brodée de son monogramme la main d’un collaborateur. Pour admirer La Reine Isabelle de Bourbon à cheval dans toute sa splendeur retrouvée, rendez-vous dès maintenant au musée du Prado dans la salle 12, où Isabelle dialogue de nouveau avec son mari, son fils et les célèbres Ménines.