Entre terre et mer : 3 000 ans d’histoire au musée Opale Sud de Berck-sur-Mer
Outre ses très riches sections Beaux-Arts et ethnographiques, le musée Opale Sud conserve un fonds archéologique exceptionnel provenant des découvertes régionales, et plus particulièrement du littoral de la Côte d’Opale. La statuette du dieu Sucellus est ainsi le premier objet remarquable de cet ensemble, qui s’est constitué à partir de 1979 et qui s’étend aujourd’hui de la Protohistoire à l’époque moderne. Très vite enrichies de belles acquisitions – un bracelet en or de l’Âge du bronze, unique exemplaire régional, ou un trémissis, monnaie en or antique, frappé à Quentovic –, les collections comprennent également des vestiges issus de fouilles où les assemblages funéraires gaulois (La Calotterie), gallo-romains (nécropoles de Fréthun et de Marenla) et mérovingiens (La Calotterie, Fréthun, Offin, Bloville) tiennent une place conséquente. Enfin, une partie de la collection Bellon, l’une des plus riches d’antiques du XIXe siècle en France, vient renforcer le contexte funéraire, religieux et aristocratique régional avec un mobilier mis au jour dans les années 1870/1880 à Amiens, Boulogne-sur-Mer ou encore Saint-Nicolas-lez-Arras.
Œnochoé
Ce vase à verser le vin a été découvert dans une grande tombe aristocratique du IIIe siècle de notre ère, lors des fouilles menées par Louis-Gabriel Bellon en 1880. Outre son embouchure trilobée, il conserve, sur son anse, un très riche décor plastique : une tête de satyre orne sa base et une autre, féminine, son sommet. L’ensemble offre une élégante recherche de polychromie avec des incrustations en argent et en cuivre, notamment au niveau des lèvres des deux figures. La présence d’un tel objet, dont les modèles les plus proches proviennent de Campanie, illustre l’introduction d’un mobilier importé et prestigieux dans les sépultures des élites gallo-romaines.
Grand vase élancé
Dans ses carnets, minutieusement annotés, L.-G. Bellon précise qu’il découvre ce vase dans une riche tombe d’époque augustéenne, les 11, 18 et 23 août 1878. Le défunt, dont les restes brûlés ont été disposés directement dans la tombe, était accompagné d’un abondant mobilier composé d’une paire de forces, de fragments de coffrets en métal, d’un seau en bronze, d’un autre en fer, de silex taillés, de nombreuses céramiques communes ou encore de plusieurs amphores, intactes ou brisées au niveau du col. Cet élégant vase s’inscrit dans une tradition de céramiques celtiques de forme haute et aux parois très fines.
Bouteille à décor serpentiforme
L’abondance des objets en verre au sein de la collection de L.-G. Bellon témoigne de son goût prononcé pour ce matériau. Les œuvres proviennent aussi bien de ses fouilles que d’achats auprès de divers marchands et collectionneurs, en France comme à l’étranger. Cette bouteille, achetée par Bellon, présente un décor dit serpentiforme avec un motif de filet en relief posé à chaud sur la surface du verre et des stries ajoutées au fer. Exceptionnelle dans la région, elle se rapproche des productions des ateliers rhénans.
Statuette du dieu Sucellus
Découverte dans une villa gallo-romaine à Ebruyères, cette statuette représente Sucellus. Divinité gauloise du monde souterrain, lié aux récoltes et à la sphère agraire, le dieu tenait dans sa main droite un maillet, aujourd’hui disparu, qui lui permettait d’ôter ou de rendre la vie, et dans sa main gauche, un pot symbolisant la prospérité. Manifestation de l’interpretatio romana, l’adoption par les Romains des divinités des peuples conquis, il est figuré avec des sandales et une toge fixée à l’épaule par une fibule. Cette œuvre provient sans doute d’un laraire, petite chapelle privée réservée au culte familial, de la villa gallo-romaine où elle a été trouvée.
Épée ployée fragmentaire
Les vestiges découverts dans le sanctuaire de Dompierre-sur-Authie attestent une activité religieuse qui remonte au IIIe siècle avant notre ère. Sa première manifestation se traduit par des aires de dépôts d’offrandes : dans ces espaces, un certain nombre d’éléments d’équipement militaire y a volontairement été brisé ou déformé. Cet acte singulier, que l’on observe dans d’autres sanctuaires gaulois, met l’objet hors d’état d’usage et implique de ce fait l’intervention d’un forgeron qui participe à ce geste rituel.
Pelle en bois des ateliers de sauniers de Sorrus
Les fouilles préventives menées en 1996 à Sorrus dans le cadre de la construction de l’autoroute A16 ont révélé un site gaulois du IIIe siècle avant notre ère. Parmi les objets découverts, deux ateliers de sauniers ont livré des vestiges en bois remarquablement bien conservés grâce à une couche d’argile isolante. Cette pelle servait certainement à creuser les différentes fosses, petits puits ou bacs à saumure, destinés à la production du sel. Ont aussi été identifiés des fragments d’auges, de douves, de couvercles et d’ustensiles variés (cuillères, écuelles, etc.).
Fibule discoïde
Dans la nécropole mérovingienne de La Calotterie, une tombe féminine se démarque par son exceptionnel mobilier, témoignant d’un statut social particulier. Parmi les objets déposés dans le cercueil en bois figure cette remarquable fibule discoïde. Comparable aux modèles anglo-saxons, elle se rapproche des exemplaires contemporains découverts dans la nécropole de Faversham (Kent). Le support en argent a reçu un décor en or et en nielle, le fond des petits cercles filigranés. Le motif, réalisé grâce à la technique du cloisonné, reproduit quatre têtes aviformes autour d’une perle.
Carreau de pavement
Dans les années 1970-1990, d’importantes fouilles terrestres et subaquatiques sont menées à Grigny ; elles mettent au jour les vestiges du château et un nombre important d’objets de nature très variée, en grande partie jeté dans la Ternoise au fil des siècles. Parmi eux, des carreaux de pavement ont probablement servi au décor du château. Rares témoins de l’ornement de l’édifice, ils présentent des motifs polychromes, en barbotine blanche, reproduisant des motifs stylisés de végétaux, de cavaliers ou d’animaux réels ou fantastiques.
Calice de Grigny
En 1448, on rapporte la disparition du calice de la paroisse de Grigny : il aurait été volé et jeté dans la Ternoise par des invités dissipés du duc de Bourgogne, dont le château de Vieil-Hesdin est entouré d’un parc voisin de la paroisse. Le duc, embarrassé par l’incident, offre même un dédommagement aux habitants de Grigny. Plusieurs siècles plus tard, les archéologues découvrent un calice dans la rivière ! En excellent état de conservation, cet objet semble correspondre à celui perdu à Grigny au XVe siècle. En argent et en or, il porte sur son pied un décor de croix gravée et, sur sa tige, un nœud avec plusieurs médaillons ornés de têtes de chérubins.
Musée Opale Sud de Berck-sur-Mer, 60 rue de l’Impératrice, 62600 Berck-sur-Mer. Tél. 03 21 84 07 80 et https://musee.berck.fr/