Le Louvre s’invite au musée Goya 

Le musée Goya, seul musée français consacré à l’art espagnol, déploie depuis sa réouverture en 2023 plus de 500 chefs-d’œuvre de Velázquez, Ribera, Murillo, Goya, Sorolla, Miró, Tàpies et bien d’autres, au fil d’un parcours thématique entièrement repensé. Sous la houlette de sa directrice Joëlle Arches, le musée mène une politique d’acquisition active mettant l’accent sur le XX^e siècle. C’est ainsi que grâce à une souscription lancée au printemps dernier, l’association des Amis des musées de Castres a fait don en janvier de six œuvres parmi lesquelles trois lithographies tauromachiques et un plat en faïence de Pablo ­Picasso, un portfolio de Sabartes-Picasso, et un livre remarquable du poète catalan Joan Brossa accompagné d’une lithographie originale en couleur par Miró.

L’institution castraise, qui bénéficie depuis 1949 de dépôts majeurs de la part du musée du Louvre, a signé en 2023 une nouvelle convention de partenariat, consolidant ainsi les liens entre les deux musées. Après avoir prêté, il y a deux ans, dans le cadre de l’exposition « Goya dans l’œil de Picasso », la Nature morte à la tête de mouton du maître aragonais, le département des Peintures lui confie à présent quatre de ses joyaux.

Au sein du parcours permanent, le visiteur peut admirer un important tableau de Domenikos ­Theotokopoulos dit Le Greco (1541-1614), considéré comme le trait d’union entre la Renaissance et le Siècle d’or espagnol. Seules quatre œuvres attribuées au maître crétois, longtemps resté méconnu en France, sont aujourd’hui conservées dans les collections du Louvre. Cet éblouissant portrait acquis en 1903 représente Saint Louis portant les attributs du pouvoir royal (la couronne et le sceptre). Loué pour ses actes de charité, ce monarque très apprécié en Espagne avait offert des œuvres à la cathédrale de Tolède, ville dans laquelle le maître crétois développe une brillante carrière après son séjour en ­Italie.

Domenikos Theotokopoulos dit Le Greco (1541-1614), Saint Louis, roi de France, et un page, 1585-1590. Huile sur toile, 120 x 96 cm. Paris, musée du Louvre. Photo service de presse. © GrandPalaisRMN (musée du Louvre) / Tony Querrec

Au maniérisme du Greco répondent trois ­bodegones, sobres natures mortes sur fond uni si caractéristiques de l’art espagnol. Une foisonnante composition peinte par Juan de Espinosa (actif entre 1628 et 1659) durant sa période de maturité réunit grappes de raisins, fleurs et coquillages au milieu desquels évoluent deux oiseaux ; actif à Madrid, cet artiste largement méconnu démontre ici sa capacité à maîtriser le clair-obscur. Le peintre portugais Baltazar Gomes Figueira (1604-1674), aujourd’hui éclipsé par la renommée de sa fille Josefa de Óbidos, partage avec le Madrilène originaire de Naples, Luis Egidio Meléndez (1716-1780), un sens de l’épure et du naturalisme. La même économie de moyens caractérise en effet leurs compositions dépouillées, présentant sur le plateau d’une table, l’une un poisson surmonté d’oranges et d’oignons, l’autre une assiette de figues, un panier rempli de vaisselle et de victuailles, ainsi qu’une appétissante miche de pain dorée semblant sortir du cadre.

Charlotte Chastel-Rousseau, conservatrice en chef des Peintures espagnoles et portugaises au Louvre, sera au musée Goya le jeudi 20 mars pour consacrer à ces prêts exceptionnels une visite-conférence.