Le Mantegna de Pompéi sort de l’ombre à la Pinacothèque vaticane

Andrea Mantegna (1431-1506), La Déposition du Christ, vers 1495-1500. Tempera sur toile, 86 x 103 cm. Pompéi, sanctuaire de la Bienheureuse Vierge du Rosaire. Photo service de presse © CNS photo / Gouvernorat de l’État de la Cité du Vatican
Redécouverte dans une église de Pompéi, une Déposition du Christ a été formellement attribuée à Andrea Mantegna (1431-1506). L’œuvre a été confiée aux musées du Vatican pour deux ans d’études scientifiques puis de restauration, qui en ont confirmé la qualité exceptionnelle et l’attribution au maître. Elle est présentée à la Pinacothèque vaticane depuis le 20 mars, dotée de son nouveau surnom, dans l’exposition « Le Mantegna de Pompéi, un chef-d’œuvre retrouvé ».
« Les recherches, les études et les résultats extraordinaires d’un long et méticuleux projet de restauration ont confirmé que la Déposition du sanctuaire de Pompéi est l’œuvre de Mantegna. »
Barbara Jatta
« Nous n’avons pas de documents qui attestent le passage de la Déposition de l’église dominicaine de Naples, où elle est documentée dans les sources, au sanctuaire de la Bienheureuse Vierge du Rosaire de Pompéi, mais les recherches, les études et les résultats extraordinaires d’un long et méticuleux projet de restauration ont confirmé que la Déposition du sanctuaire de Pompéi est l’œuvre de Mantegna », écrit la directrice des musées du Vatican, Barbara Jatta, dans le catalogue de l’exposition « Le Mantegna de Pompéi, un chef-d’œuvre retrouvé », dont elle est commissaire. Le tableau aurait été réalisé vers la fin de la carrière de l’artiste.
Une commande pour la famille royale de Naples
Ces récentes études permettent d’affirmer que La Déposition du Christ a été commandée à Mantegna par un membre de la famille d’Aragon, peut-être même par Frédéric Ier d’Aragon, roi de Naples et oncle d’Isabelle d’Este, dont Mantegna peignit le studiolò à Mantoue. Elle se trouvait au XVIe siècle dans l’église San Domenico Maggiore de Naples. Le 20 mars 1524, l’humaniste Pietro Summone y fit référence dans une lettre envoyée au collectionneur Marcantonio Michiel, évoquant « une icône où Notre Seigneur est descendu de la croix et placé dans un linceul, par la main de Mantegna ». La trace du tableau s’étant perdue peu après, il était considéré jusqu’à récemment comme disparu.
Andrea Mantegna (1431-1506), La Déposition du Christ (détail), vers 1495-1500. Tempera sur toile, 86 x 103 cm. Pompéi, sanctuaire de la Bienheureuse Vierge du Rosaire. Photo service de presse © CNS photo / Gouvernorat de l’État de la Cité du Vatican
Sur les traces du Mantegna disparu
C’est en consultant en 2020 une base de données où elle était répertoriée que Stefano De Mieri, chercheur à l’université Suor Orsola Benincasa de Naples, a fait le lien entre La Déposition du Christ, anonyme et très abîmée, conservée au sanctuaire de la Bienheureuse Vierge du Rosaire de Pompéi et la Déposition perdue de Mantegna. Lorsqu’il a proposé à Barbara Jatta de venir la voir, celle-ci a tout de suite pris conscience de la qualité de l’œuvre : « Immédiatement, avec une lampe à UV portable, mais aussi en scrutant de nos propres yeux sous les nombreuses couches de repeints, nous avons compris qu’il s’y trouvait une excellente matière picturale. »
Andrea Mantegna (1431-1506), La Déposition du Christ (détail), vers 1495-1500. Tempera sur toile, 86 x 103 cm. Pompéi, sanctuaire de la Bienheureuse Vierge du Rosaire. Photo service de presse © CNS photo / Gouvernorat de l’État de la Cité du Vatican
Le plus célèbre Christ mort de Mantegna
Andrea Mantegna est l’auteur d’un autre célèbre tableau montrant le Christ mort. Si son iconographie est proche du tableau de Pompéi, la composition en est radicalement différente et novatrice. Le corps du Christ est représenté dans un raccourci saisissant accru par un cadrage très serré, qui fait du spectateur l’un des protagonistes de la scène et le contraint à voir de près le corps sans vie et ses traces de souffrance. À l’inverse, le Christ du Mantegna de Pompéi occupe toute la largeur de la toile, dont l’arrière-plan s’ouvre sur un paysage montagneux. Le spectateur est pourtant tout aussi impliqué, l’artiste l’incluant dans le cercle de ceux qui pleurent la mort du Christ.
Andrea Mantegna (1431-1506), Lamentation sur le Christ mort, vers 1483. Tempera sur toile, 68 x 81 cm. Milan, pinacothèque de Brera. Photo CCO / Pinacoteca di Brera
Le retour à la lumière
L’œuvre est confiée en 2022 au Cabinet de recherches scientifiques et au Laboratoire de restauration des peintures et des matériaux en bois des musées du Vatican. La réflectographie infrarouge met en évidence un dessin sous-jacent trahissant la main d’un maître. Plus les recherches et la restauration avancent, plus l’attribution se confirme. « Les analyses techniques et documentaires ont permis de préciser qu’il ne s’agissait pas d’une copie, mais d’une peinture originale de Mantegna. L’iconographie du tableau est liée aux modèles de la Renaissance et au classicisme typique de l’artiste, avec des références à l’Antiquité qui le rendent unique dans la production de Mantegna », note Fabrizio Biferali, conservateur du département des XVe-XVIe siècles aux musées du Vatican. Le Mantegna de Pompéi sera exposé jusqu’à fin mai 2025 à la Pinacothèque vaticane, puis il regagnera le sanctuaire de la Bienheureuse Vierge du Rosaire, où le public pourra l’admirer.
Une longue et minutieuse restauration
Le Laboratoire de restauration des peintures et des matériaux en bois des musées du Vatican a effectué un travail complexe sur La Déposition du Christ. Le tableau a été peint sur une fine toile de lin collée sur un support de bois qui était très abîmé. Celui-ci a été retiré et la toile de lin retendue sur un nouveau châssis. Les nombreux repeints ont été enlevés et les lacunes comblées, afin de rendre sa lisibilité à la composition.
La Déposition du Christ de Mantegna en cours d’étude au Laboratoire de restauration des peintures des musées du Vatican, où a eu lieu la restauration. Photo service de presse © CNS photo / Gouvernorat de l’État de la Cité du Vatican