Le musée Déchelette de Roanne : l’archéologie au cœur

Bol de Roanne, Ier siècle de notre ère, céramique peinte, 12,8 x 20,5 cm. © Jean-François Claustre pour le musée Joseph Déchelette, Ville de Roanne
Figure emblématique de la recherche archéologique dans sa dimension la plus européenne, Joseph Déchelette (1862-1914) lègue sa bibliothèque et ses collections en 1919, offrant, avec son lieu d’habitation, l’hôtel particulier Valence de Minardière (1786) donné en 1923 par sa veuve, un musée de premier plan à la Ville de Roanne. Son fameux Manuel d’archéologie préhistorique, celtique et gallo-romaine reste une référence. Atelier et bibliothèque du savant, objets de collection et collections d’objets – dont plus de 250 acquis au cours d’un voyage en Égypte en 1893 –, écrits scientifiques, carnets de voyages et notes de fouilles (notamment à Bibracte au mont Beuvray) seront mis à l’honneur dans un riche projet de restructuration et d’extension de l’institution (2027-2030). Ce dernier sera à même de donner une lecture de l’archéologie à dimension humaine à partir d’œuvres phares traversant la personnalité prégnante de l’archéologue.
Portrait de Joseph Déchelette
Les invités de l’hôtel particulier et Mme Jane Déchelette pouvaient contempler ce portrait, accroché autrefois dans le salon d’honneur donnant sur le parc, et peint en 1918 par Albert-Pierre Dawant. Joseph Déchelette est ici figuré dans son cabinet de travail, image qui survivra dans la mémoire des sociétés, des institutions qui ont perpétué son souvenir. Après sa mort au combat en 1914, les éloges funèbres affluèrent de toute l’Europe, et son nom fut inscrit au Panthéon des écrivains morts pour la France. A. J
Par Albert-Pierre Dawant (1852-1923), 1918, huile sur toile posthume exécutée d’après une photographie de Roger Melcy, commandée par sa veuve Jane Déchelette, 110 x 80 cm. © Jean-François Claustre pour le musée Joseph Déchelette, Ville de Roanne
Figurines en bronze représentant un cheval et un sanglier
Pièces iconiques du musée Déchelette, ces deux figurines représentent un cheval et un sanglier en bronze. Toutes deux ont été découvertes sur le site de l’oppidum de Jœuvres, non loin de Roanne. Datées du Ier siècle avant notre ère, elles ont été fabriquées selon la technique de la fonte à la cire perdue et appartiennent à la famille de la petite ronde-bosse animalière en métal réalisée par les Celtes. La première possède un anneau et la seconde est dotée de deux perforations : il s’agissait vraisemblablement de pièces d’ornement destinées à être suspendues. L’hypothèse de pendentifs gaulois apparentés à des pièces d’harnachement a pu être retenue. A. J.
Ier siècle avant notre ère, Saint-Jean-Saint-Maurice-sur-Loire, oppidum de Jœuvres, 4,6 x 6,5 x 1,4 cm. © Jean-François Claustre pour le musée Joseph Déchelette, Ville de Roanne
Ier siècle avant notre ère, Saint-Jean-Saint-Maurice-sur-Loire, oppidum de Jœuvres, 3,9 x 7 x 1,1 cm. © Jean-François Claustre pour le musée Joseph Déchelette, Ville de Roanne
Masque funéraire
Dans la tradition égyptienne, le masque funéraire protégeait le défunt dans l’au-delà ; il permettait à son âme de retourner dans le corps. Rapporté par Déchelette, celui-ci date de la période gréco-romaine. Le visage doré à la feuille est encadré par une perruque tripartite rayée et décorée par deux registres figurés. Le registre supérieur montre trois personnages momiformes tenant un sceptre ouas, symbole permettant de relier les mondes céleste et terrestre. Le registre inférieur dépeint la déesse Nephtys, qui avance son bras en signe de protection vers un personnage momiforme debout. A. D.
Période gréco-romaine, 332 avant notre ère – 395 de notre ère, cartonnage peint, 38,1 x 20,5 x 23 cm. © Jean-François Claustre pour le musée Joseph Déchelette, Ville de Roanne
Écrits de Joseph Déchelette
Publication majeure sur la céramique romaine en Gaule, dès sa parution en 1904, l’ouvrage monumental illustré sur Les vases céramiques ornés de la Gaule romaine remporta un succès immédiat auprès de la communauté scientifique aussi bien française qu’européenne. Déchelette s’intéresse à la production romaine, et surtout à la sigillée, un type de terre cuite fine caractérisée par un vernis rouge et par des décors en relief. Ce mobilier est un marqueur important pour comprendre la chronologie et la nature de l’économie des provinces romaines de Gaule ou de Germanie. Dès 1899, il noue des contacts avec l’archéologue allemand Hans Dragendorff, à l’initiative d’une étude pionnière sur le répertoire des formes en sigillée. A. J.
Les écrits de Joseph Déchelette : Les vases céramiques ornés de la Gaule romaine (Narbonnaise, Aquitaine et Lyonnaise), Paris, Picard, 1904, 2 vol. et Manuel d’archéologie préhistorique, celtique et gallo-romaine, Paris, Picard, 1908-1914, 6 vol. © Frédéric Rizzi pour le musée Joseph Déchelette, Ville de Roanne
Bols de Roanne
De forme basse, ouverte, globulaire, ces bols ont été produits sur place à Rodumna ; leur lèvre en bourrelet est dans le prolongement exact de la panse. Préalablement lissée, la surface extérieure a reçu avant cuisson un décor de base, qui a ensuite été poli pour être orné d’un tracé coloré. La mise au jour en 1987 d’un four ayant servi à la cuisson de bols peints a confirmé l’hypothèse avancée par Déchelette de l’existence d’une production roannaise. Ces bols, très massivement utilisés à Roanne, et sur tout le territoire ségusiave, au Ier siècle de notre ère, ont rencontré un grand succès commercial. Au cours des deux à trois siècles de leur existence, ils connaissent une évolution morphologique, du globulaire au piriforme en passant par une forme très ouverte en jatte. A. J.
Ier siècle de notre ère, céramique peinte, 12,8 x 20,5 cm. © Jean-François Claustre pour le musée Joseph Déchelette, Ville de Roanne
Ier siècle de notre ère, céramique peinte, 12,8 x 20,5 cm. © Jean-François Claustre pour le musée Joseph Déchelette, Ville de Roanne
Fragment de chenet à tête de bélier
Façonné en terre cuite réfractaire, cet objet nous renvoie à l’étude de Déchelette, qui eut le mérite d’établir que ces figurines étaient des chenets gaulois. Cet artefact a été découvert sur la commune de Mably, près de Roanne, à l’emplacement d’une villa gallo-romaine, construite sur la rive gauche de la Loire. Il devait meubler et décorer l’âtre de cet habitat. La tête et les cornes sont bien modelées, le « corps » paré de traits ondulés et de petits rectangles tracés à la roulette. Les faces dorsale et latérales sont rayées de grandes lignes courbes ou longitudinales dont les éléments s’apparentent à de petits croissants imprimés en creux et formant des raies parallèles. Ce procédé de décor et d’impression rappelle celui des potiers de la Gaule centrale. A. J.
Ier siècle de notre ère, terre cuite, 33,5 x 21,5 x 14 cm. © Jean-François Claustre pour le musée Joseph Déchelette, Ville de Roanne
Fragment de décor architectural provenant de Baalbek (Liban)
Le petit bloc en pierre rapporté de Baalbek par Joseph Déchelette en 1893, beau morceau de décor végétal d’époque romaine (IIe-IIIe siècles), serait, selon le catalogue ancien (1895), un « fragment de frise ». En fait, il pourrait plutôt appartenir à une corniche. De même, il ne provient sans doute pas du « temple du Soleil », un grandiose monument attribué désormais à Jupiter Héliopolitain, mais d’une exèdre de la Grande Cour rectangulaire précédant ce temple. Acheté probablement à un antiquaire local, quelques années avant les importantes fouilles allemandes du site (1898-1905), il témoigne d’une période de l’histoire des collections où l’on n’hésitait pas à acquérir des fragments de bâtiments antiques débités. P.-L. G.
Période gréco-romaine, 332 avant notre ère – 395 de notre ère, pierre sculptée, 16 x 20 x 9 cm © Jean-François Claustre pour le musée Joseph Déchelette, Ville de Roanne