L’édito de Jeanne Faton : « Les tribulations d’un pavillon à Sceaux»
Chère lectrice, cher lecteur,
Il faut toujours se méfier du mot réhabilitation, surtout en matière de patrimoine. Prenons le pavillon de Hanovre par exemple, dans le parc de Sceaux. Son histoire commence à Paris en 1758, quand le maréchal de Richelieu demande à l’architecte Jean-Michel Chevotet (1698- 1772), de créer un « salon » à l’extrémité des jardins de son hôtel d’Antin, rue Neuve-Saint-Augustin (l’actuel boulevard des Italiens). Jean-Michel Chevotet, prix de Rome en 1722, est l’architecte des aristocrates parisiens fortunés, qui veulent mettre leurs demeures au goût du jour.
Métamorphoses d’une « folie »
Pour le maréchal, il imagine un joli pavillon de style encore Louis XV avec un toit terrasse à l’italienne. Les Parisiens surnomment vite cette « folie » le pavillon de Hanovre, soupçonnant son propriétaire de l’avoir payée avec l’argent de ses razzias dans le Hanovre, pendant la guerre de Sept ans. Au gré de ses propriétaires successifs, le pavillon de Hanovre connaît diverses métamorphoses : ajout d’une coupole pour y abriter à la fin du XVIIIe siècle, le Panstéorama et ses plans en relief de Paris ; suppression de la coupole par la maison Christofle à la fin du XIXe pour surélever l’édifice d’un étage… Menacé de destruction en 1930 par la construction d’un immeuble commercial, il est finalement démonté pierre par pierre et transposé dans le parc de Sceaux, où, classé Monument historique, il retrouve son élévation Louis XV et son toit terrasse avec ses putti.
Une réhabilitation qui fait polémique
Tourné vers le parc historique, il menait une vie poétique de bel endormi, jusqu’à ce que le Département des Hauts de Seine, décide, à la faveur du nouvel éco-quartier de Châtenay-Malabry, sa réhabilitation. Le but de cette dernière : « prolonger la structure du parc autour et à travers le pavillon de Hanovre pour le retourner également vers la ville » et organiser le pavillon revu autour d’un « devant-dedans »1. Traduction pour ceux qui auraient la tête sens dessus dessous : la façade aveugle de l’arrière de l’ancienne folie du duc (maréchal ?) de Richelieu va être percée de grandes baies vitrées, l’intérieur aménagé en un restaurant évidemment gastronomique et un geste architectural fort commis pour conférer à cette nouvelle façade ouest une identité tout aussi forte : un habillage de résille métallique découpée au laser, entre les bas du même nom et la cage de Faraday, dépassant de part et d’autre du pavillon comme la coiffe traditionnelle d’une malheureuse Alsacienne égarée en Île-de-France. Le mauvais goût des uns est le bon goût des autres, et hélas, la Commission nationale de l’Architecture et du patrimoine a autorisé la réhabilitation du pavillon de Hanovre. Une pétition circule sur le site d’urgences patrimoine2 à destination du ministère de la Culture.
Au programme de votre Objet d’Art
Chère lectrice, cher lecteur, signez-la vite avant de vous plonger dans votre Objet d’Art : vous y découvrirez un dossier passionnant sur le sculpteur et architecte Jean Goujon, les médaillons à l’œil des bracelets de la première reine des Belges – objet sentimentaux et presque surréalistes – qui viennent d’enrichir la collection du musée Condé à Chantilly, et une sélection des plus remarquables expositions de la rentrée : avec ou sans gouvernement, que le ministère de la rue de Valois soit habité ou non, la culture en France se porte bien !
Notes