L’enfance d’un roi : Versailles s’enrichit d’un portrait exceptionnel
Rosalba Carriera (1675-1757), Portrait de Louis XV enfant (détail), 1720. Pastel sur papier collé sur toile de lin, 45 x 35,7 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Photo service de presse. © château de Versailles / Christophe Fouin
Le château de Versailles vient d’acquérir un magnifique pastel représentant le roi Louis XV à l’âge de dix ans. Il s’agit vraisemblablement de la première ébauche pour le portrait officiel de l’enfant roi, réalisé par la Vénitienne Rosalba Carriera (Gemäldegalerie, Dresde) que l’on a pu admirer au château en 2022-2023 à l’occasion de l’exposition « Louis XV. Passions d’un roi ».
L’artiste vénitienne Rosalba Carriera (1675-1757) est déjà fort célèbre lorsqu’en 1719 elle est invitée par le financier et collectionneur Pierre Crozat à séjourner dans son hôtel parisien. Elle a été reçue à l’académie de Saint-Luc à Rome en 1705 et sa maestria est vantée à travers toute l’Europe, de la cour d’Auguste III, roi de Pologne et électeur de Saxe, à celle de George III d’Angleterre, Frédéric IV de Danemark, ou encore Côme III de Médicis.
Un piccolo tableau au pastel
Elle demeure à Paris entre 1720 et 1721, où une clientèle nombreuse se presse pour se faire portraiturer, comme en témoignent les extraits de son journal. En point d’orgue, Rosalba est sollicitée pour exécuter le portrait du tout jeune roi de France. Son journal nous apprend, le 14 juin 1720, qu’elle entreprend un piccolo tableau au pastel, celui-là même que Versailles vient d’acquérir. L’artiste en exécuta plusieurs versions, selon différentes techniques.
Rosalba Carriera (1675-1757), Portrait de Louis XV enfant, 1720. Pastel sur papier collé sur toile de lin, 45 x 35,7 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Photo service de presse. © château de Versailles / Christophe Fouin
La douceur de l’enfance
En mains privées, cette œuvre ornait encore récemment les murs d’une chambre d’un célèbre château du Finistère appartenant à une grande famille française. Le 20 juin 1720, Rosalba ébauche une autre version plus grande qui deviendra l’effigie officielle du souverain ; elle sera exposée le 29 décembre suivant dans « le salon où jouait le Roi ». Dans la version récemment acquise, qui donna lieu à une brève séance de pose, on perçoit le dessin sous-jacent ; l’artiste transcrit avec brio le velouté de la carnation, la légèreté des boucles et la douceur du regard de l’enfant. Pour le pastel de Dresde, l’artiste utilise une palette plus étendue, les mélanges de couleurs sont subtils et les ombres plus nuancées. On dénote toutefois une certaine mollesse dans le rendu. Le visage moins poupon confère au modèle un air plus mature ; la richesse des broderies de son habit orange, le manteau fleurdelysé bordé d’hermine et surtout la place importante occupée par le cordon bleu de Saint-Michel et la croix du Saint-Esprit accentuent cette impression.
Rosalba Carriera (1675-1757), Louis XV âgé de dix ans, 1720-1721. Pastel sur papier, 50,5 x 38,5 cm. Dresde, Gemäldegalerie Alte Meister. © BPK, Berlin, dist. RMN-Grand Palais / image SKD
Cette insigne acquisition a été rendue possible grâce au mécénat de Hubert et Mireille Goldschmidt, par l’intermédiaire des American Friends of Versailles.
