Notre‑Dame de Paris restaurée (12/12). La tenture de la Vie de la Vierge de Paris à Strasbourg

Charles Poerson (d’après), La Dormition de la Vierge (détail), tenture de la Vie de la Vierge, Paris, atelier de Pierre Damour, 1654-57. Laine et soie, 490 x 560 cm. Strasbourg, cathédrale Notre-Dame. © DRAC Grand Est, Pôle patrimoines
Durant la période de l’Avent, fidèles et visiteurs peuvent admirer, entre les piliers de la nef de la cathédrale de Strasbourg, un ensemble de tapisseries monumentales qui fut commandé pour le chœur de Notre-Dame de Paris. Narrant la vie de la Vierge, il s’agit de l’une des plus prestigieuses tentures du XVIIe siècle français.
C’est à l’instigation de Richelieu que l’une des « créatures » zélées du cardinal, Michel Le Masle, chanoine et chantre de la cathédrale de Paris, s’associa, par la commande d’une tenture historiée, au célèbre vœu de Louis XIII consacrant le royaume de France – et ses sujets – à la Vierge en 1638. Le vœu se traduisit par l’édification d’un nouveau maître-autel à Notre-Dame. La commande d’une tenture sur le thème de la vie de la Vierge s’imposa pour parfaire ce décor du chœur et prolonger le geste de dévotion royal.
Extension du cycle
Philippe de Champaigne (1602-1674), qui réalisa le tableau du maître-autel, Le Vœu de Louis XIII (dépôt de l’État à Caen, 1802)1, jouissait de la faveur de Richelieu. C’est donc au peintre bruxellois que furent naturellement confiés les deux premiers cartons de la tenture destinés à être traduits en tapisseries : ils représentaient respectivement la Naissance et la Présentation de la Vierge au Temple (1640). Les disparitions successives de Richelieu et de Louis XIII (1642 et 1643), plus tard les troubles de la Fronde, obérèrent ensuite la mise en œuvre du projet. Pugnace, Le Masle assura pourtant sa reprise sous la régence d’Anne d’Autriche et sa spectaculaire extension, la tenture passant de quatre scènes à pas moins de quatorze pour atteindre une superficie d’environ 350 m2. Deux nouveaux artistes furent alors choisis, le Lyonnais Jacques Stella (1595-1657), un proche de Poussin, qui produisit un seul carton (Le Mariage de la Vierge, 1649)2, et surtout un ancien collaborateur de Simon Vouet, Charles Poerson (1609-1667), à qui l’on doit les onze cartons restants (1652-1657).
Jacques Stella (d’après), Le Mariage de la Vierge, tenture de la Vie de la Vierge, Bruxelles, atelier B.B., 1650. Laine et soie, 485 x 560 cm. Strasbourg, cathédrale Notre-Dame. © DRAC Grand Est, Pôle patrimoines
Mise en vente d’un ensemble unique
Chef-d’œuvre de la tapisserie parisienne (une pièce – Le Mariage de la Vierge – fut cependant tissée à Bruxelles), la tenture de la Vie de la Vierge, comme tant d’autres œuvres de Notre-Dame, ne demeure pas dans le lieu pour lequel elle a été conçue. Le réaménagement du chœur par l’architecte Robert de Cotte (1736-1735) la fit remiser et, in fine, mettre en vente (1730). Le chapitre de la cathédrale de Strasbourg en fit l’acquisition en 1739, à assez bon compte. Une perte irrémédiable pour le patrimoine parisien.
Charles Poerson (d’après), La Dormition de la Vierge, tenture de la Vie de la Vierge, Paris, atelierde Pierre Damour, 1654-57. Laine et soie, 490 x 560 cm. Strasbourg, cathédrale Notre-Dame. © DRAC Grand Est, Pôle patrimoines
1 Caen, musée des Beaux-Arts, inv. n° 163.
2 Toulouse, musée des Augustins, inv. n° 2004 1. 75. Sept des cartons de la tenture sont conservés. Outre celui de Toulouse, on en trouve à Arras (musée des Beaux-Arts), Perpignan (musée Rigaud), Mayence (Landesmuseum) ainsi qu’à l’église de Saint-Symphorien-en-Laye. S’y ajoutent quatre réductions – des modelli ? – conservées à Paris, au musée Carnavalet.
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