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Notre‑Dame de Paris restaurée (10/12). Le portail central de l’édifice

Le tympan et les voussures du portail du Jugement dernier.

Le tympan et les voussures du portail du Jugement dernier. © Zoonar – eyemagic / Alamy banque d’images

Surmonté par la grande rose, le portail central occupe une place éminente sur la façade occidentale. Il a été construit entre 1208 (date de la première mention des portes de Notre-Dame) et 1240.

Les travaux ont progressé du portail latéral gauche vers le portail latéral droit. Le portail central, ouvrant vers la nef et ayant un rôle solennel, est le plus richement décoré. Avec six statues (une dans chaque ébrasement) et six cordons de voussures, il surpasse tous les portails sculptés de son temps. Le thème, traditionnel, est fréquent sur les portails principaux des églises de la fin du XIIe et du début du XIIIe siècle, mais il prend ici une ampleur inédite. Les statues des apôtres posées dans les ébrasements entourent le Christ du trumeau. En 1771, le trumeau et la partie centrale du linteau furent supprimés pour ménager l’espace nécessaire à l’entrée triomphale du dais de l’évêque1.

« Le portail central déploie une vision eschatologique du retour triomphal du Christ à la fin des temps, annoncé dans le livre de l’Apocalypse. »

Une vision monumentale

L’iconographie des trois portails est issue de la réflexion théologique de l’école de la cathédrale de Notre-Dame, qui était l’une des plus actives en Europe occidentale au XIIe siècle. Le portail central déploie une vision eschatologique du retour triomphal du Christ à la fin des temps, annoncé dans le livre de l’Apocalypse. L’Église accomplit sa mission apostolique en éveillant la conscience des fidèles et en leur rappelant qu’ils doivent vivre de façon à se trouver toujours prêts pour le Jugement dernier. Le linteau et le tympan illustrent la Résurrection des morts, la Séparation des justes et des damnés, le Christ juge et sauveur accompagné, d’une part par des anges porteurs des instruments de la Passion, d’autre part par la Vierge et saint Jean, en intercesseurs. Les figures des voussures constituent la « cour céleste » des anges, patriarches, martyrs, confesseurs et vierges. Quelques voussures, à la gauche du Christ, montrent les supplices des damnés en Enfer. Le caractère édifiant du message est perceptible surtout dans les piédroits (parabole des vierges sages et des vierges folles selon saint Matthieu, 25:1-13) et au soubassement (les vices et les vertus). À la différence des vertus, qui sont des allégories, les vices sont évoqués sous la forme de scènes de la vie quotidienne illustrant des actions réprouvées par l’Église.

Détail des figures de damnés aux voussures.

Détail des figures de damnés aux voussures. © VPC Photo Collection / Alamy banque d’images

Un ouvrage collectif

Plusieurs sculpteurs aux styles différents ont collaboré à cet ouvrage. Les reliefs du soubassement illustrent le « style 1200 », souple et raffiné, influencé par l’art antique. Les figures des vices et des vertus sont proportionnées selon le canon antique et animées de mouvements naturels que soulignent les drapés. Un deuxième style caractérise les figures de la Vierge, de saint Jean et de l’ange à la croix du tympan ainsi que la plupart des figures des voussures. Il s’agit du « style dur » ou rigoureux, proche de l’art byzantin par la position figée des figures, les drapés rigides et les visages peu expressifs. Enfin, dans les figures du Christ-Juge et de l’ange à la lance apparaît un style nouveau, celui des années 1230-1240 : dit « courtois » ou « proprement gothique », il domine aux XIIIe et XIVe siècles en France et en Europe occidentale. Enveloppés dans des drapés volumineux, les corps, aux proportions allongées, prennent des attitudes élégantes, souvent en contrapposto, et s’accompagnent de gestes démonstratifs et de visages très expressifs. Ainsi, chacun à sa manière, ces styles différents ont nourri une œuvre dont les siècles n’ont pas entamé la puissance monumentale.

L’un des médaillons illustrant les vices et les vertus, dans le soubassement du portail.

L’un des médaillons illustrant les vices et les vertus, dans le soubassement du portail. © P. Lemaître. All rights reserved 2024 / Bridgeman Images

1 Les statues des apôtres, endommagées pendant la Révolution, ainsi que le trumeau et le linteau disparus ont été refaits au XIXe siècle.