Un rarissime triptyque impérial de la maison Fabergé entre au Louvre

Maison Fabergé, orfèvre Mikhaïl Evlampievich Perkhin (1860-1903), Triptyque offert par l’aristocratie saint-pétersbourgeoise à Nicolas II et Alexandra pour la naissance de la Grande-Duchesse Olga Nikolaïevna Romanova, 1895. Bouleau de Carélie, peinture à l’huile, argent, argent doré, émail, émeraudes, rubis, saphirs, perles, 25,6 x 32,4 cm. Paris, département des Arts de Byzance et des chrétientés en Orient du musée du Louvre. Photo service de presse. © Musée du Louvre, dist. GrandPalaisRmn / Thomas Clot
Après l’acquisition d’une importante collection d’icônes en février, le musée du Louvre vient d’annoncer l’entrée dans ses collections d’un triptyque aussi éblouissant que rare réalisé par Mikhaïl Evlampievich Perkhin (1860-1903), maître-orfèvre de la maison Fabergé. L’œuvre a été acquise, grâce au mécénat de la Société des Amis du Louvre, auprès de l’insigne galerie new-yorkaise À la vieille Russie, pour 2,2 millions d’euros, dans le cadre d’un mécénat de 4 millions d’euros destiné à l’aménagement et à l’enrichissement du département des Arts de Byzance et des chrétientés en Orient, dont l’ouverture est prévue en 2027.
67 000 donateurs, membres de la plus grande association d’amis de musée en Europe, ont contribué à l’acquisition de ce triptyque impérial réalisé en 1895.
« Il était normal et souhaitable que la Société des Amis du Louvre s’associe pleinement à l’ouverture d’un nouveau département, le département des Arts de Byzance et des chrétientés en Orient. Lorsque la direction du musée nous a proposé d’acquérir un triptyque ayant appartenu à la famille impériale de Russie, le conseil d’administration a dit oui avec enthousiasme. C’est un objet magnifique dont la provenance est indiscutable et qui, je l’espère, viendra couronner le parcours consacré à l’icône du nouveau département. »
Gérard Araud, président de la Société des Amis du Louvre
Un somptueux cadeau de naissance
Réalisé par la maison Fabergé, le triptyque était une commande de la noblesse de Saint-Pétersbourg à la famille impériale, célébrant la naissance de la grande-duchesse Olga, fille du tsar Nicolas II et de l’impératrice Alexandra. Il marie peinture et orfèvrerie dans une profusion de détails précieux. Sur un panneau de bouleau de Carélie, un matériau recherché pour sa texture et sa couleur claire, sont peints plusieurs personnages. Au centre, saint Nicolas et sainte Alexandra, surmontés par sainte Olga. Sur les volets, les quatre évangélistes et, de part et d’autre de sainte Olga, deux séraphins. La découpe du panneau de bouleau évoque les coupoles en forme de bulbe des églises orthodoxes russes. D’après la palette de couleurs et le caractère miniaturiste des détails, l’auteur pourrait être l’un des peintres d’icônes de l’école des Stroganov, qui travaillaient à Mstera et réalisaient des commandes impériales.
Maison Fabergé, orfèvre Mikhaïl Evlampievich Perkhin (1860-1903), Triptyque offert par l’aristocratie saint-pétersbourgeoise à Nicolas II et Alexandra pour la naissance de la grande-duchesse Olga Nikolaïevna Romanova, détail des saints Nicolas et Alexandra, 1895. Bouleau de Carélie, peinture à l’huile, argent, argent doré, émail, émeraudes, rubis, saphirs, perles, 25,6 x 32,4 cm. Paris, département des Arts de Byzance et des chrétientés en Orient du musée du Louvre. Photo service de presse. © Musée du Louvre, dist. GrandPalaisRmn / Thomas Clot
La rencontre de la tradition et de l’Art nouveau
À la préciosité des vêtements portés par les personnages peints, ornés de subtils décors et rehaussés de cabochons et de perles, répond celle du travail d’orfèvrerie. Le panneau de bois peint est enchâssé dans une monture en argent et argent doré rehaussée d’émail coloré, d’émeraudes, de rubis, de saphirs et de perles. Sur les volets, les évangélistes sont comme sertis dans un fin treillis doré contrastant avec un fond bleu clair. Les arabesques ornées de perles, soulignant la structure du triptyque, évoquent le style Modern, terme désignant l’Art nouveau en Russie. Carl Fabergé avait en effet confié à Perkhin la charge de moderniser les créations de sa maison, ce qu’il fit notamment en intégrant les motifs de ce style en vogue dans toute l’Europe.
Maison Fabergé, orfèvre Mikhaïl Evlampievich Perkhin (1860-1903), Triptyque offert par l’aristocratie saint-pétersbourgeoise à Nicolas II et Alexandra pour la naissance de la grande-duchesse Olga Nikolaïevna Romanova, détail du volet droit, 1895. Bouleau de Carélie, peinture à l’huile, argent, argent doré, émail, émeraudes, rubis, saphirs, perles, 25,6 x 32,4 cm. Paris, département des Arts de Byzance et des chrétientés en Orient du musée du Louvre. Photo service de presse. © Musée du Louvre, dist. GrandPalaisRmn / Thomas Clot
Perkhin, maître-orfèvre virtuose de la maison Fabergé
Jeune homme au talent précoce, Mikhaïl Evlampievich Perkhin quitta son village à 18 ans pour gagner Saint-Pétersbourg, où il fit son apprentissage dans l’atelier d’un orfèvre réputé, Erik Kollin, qui travaillait exclusivement pour la maison Fabergé. En 1886, Perkhin devint maître artisan et ouvrit son propre atelier puis, deux ans plus tard, fut sollicité par Carl Fabergé pour diriger son atelier et moderniser ses productions. En tant que maître-orfèvre de la célèbre maison, il réalisa la plupart des célèbres œufs de Pâques offerts par Alexandre III à l’impératrice Maria Feodorovna, puis par Nicolas II à son épouse Alexandra et à sa mère, l’impératrice douairière. Sa carrière s’acheva prématurément, à l’âge 43 ans.
Maison Fabergé, orfèvre Mikhaïl Evlampievich Perkhin (1860-1903), Triptyque offert par l’aristocratie saint-pétersbourgeoise à Nicolas II et Alexandra pour la naissance de la grande-duchesse Olga Nikolaïevna Romanova, détail de sainte Olga, 1895. Bouleau de Carélie, peinture à l’huile, argent, argent doré, émail, émeraudes, rubis, saphirs, perles, 25,6 x 32,4 cm. Paris, département des Arts de Byzance et des chrétientés en Orient du musée du Louvre. Photo service de presse. © Musée du Louvre, dist. GrandPalaisRmn / Thomas Clot
Un premier triptyque impérial au Louvre en 2022
En 2022, le musée du Louvre avait déjà acquis à Paris chez De Baecque, pour 130 000 € au marteau, un premier triptyque impérial. Celui-ci provient de la fabrique des Olovyanishnikov. On y reconnaît saint Nicolas au centre, sainte Alexandra, vêtue en impératrice, à droite et saint Alexis à gauche. Le triptyque porte la marque de l’orfèvre Kuzma Ivanovich Konov, qui dirigea de 1908 à 1917 l’atelier d’orfèvrerie de la maison P. I. Olovyanishnikov Fils, à Moscou.
Orfèvre Kuzma Ivanovich Konov pour la maison P. I. Olovyanishnikov Fils, Icône en triptyque représentant saint Nicolas, sainte Alexandra et saint Alexis, Moscou, vers 1908-1910. Monture en argent sertie de vermeil, incrustée de nacre et rehaussée d’améthystes, de grenats et d’aigues-marines facettés, peinture sur argent couverte d’une plaque de mica, elle-même couverte de filigranes de vermeil, 21 x 36 cm (ouvert). Paris, département des Arts de Byzance et des chrétientés en Orient du musée du Louvre. Photo service de presse. © de Baecque & Associés / Luc Pâris