Une spectaculaire marine d’Eugène Isabey retrouve les collections nationales
Eugène Isabey (1803-1886), Matelots saluant le Christ en sortant du port de Saint-Valery-en-Caux. Huile sur toile, 164,8 x 240 cm. Paris, musée national de la Marine. Photo service de presse. © DR - Saint-Honoré Art Consulting
Le musée national de la Marine vient de faire l’acquisition d’un très grand format d’Eugène Isabey (1803-1886), Matelots saluant le Christ en sortant du port de Saint-Valery-en-Caux, présenté au Salon de 1867 et entré brièvement dans les collections de Napoléon III. Admirée en 2023 sur le stand de la galerie new-yorkaise Demisch Danant à la TEFAF Maastricht, la toile réintègre aujourd’hui les collections nationales avec le soutien de la Fondation Napoléon et rejoint ainsi le riche fonds de peintures de l’artiste que conserve l’institution parisienne. Elle est d’ores et déjà visible sur les cimaises du parcours permanent.
Haute d’un mètre soixante-cinq sur deux mètres quarante de large, cette spectaculaire composition représente une file de navires de pêche quittant le port de Saint-Valery-en-Caux (Normandie) par son chenal, tirée par un remorqueur à vapeur. Sur le pont du dernier bateau, des pêcheurs observent un moment de recueillement, chapeaux à la main, face à un calvaire planté sur la jetée. Les flots agités suggèrent les dangers à venir et rendent d’autant plus saisissante l’attitude des pêcheurs.
Eugène Isabey (1803-1886), Matelots saluant le Christ en sortant du port de Saint-Valery-en-Caux (détail). Huile sur toile, 164,8 x 240 cm. Paris, musée national de la Marine. Photo service de presse. © DR – Saint-Honoré Art Consulting
Un retour dans les collections nationales
L’historique de l’œuvre est dûment documenté par les archives. Nous savons ainsi qu’elle reçoit une reconnaissance officielle majeure, puisqu’elle est acquise pour les collections impériales dès son exposition au Salon de 1867, sur décision du comte de Nieuwerkerke, intendant des Beaux-Arts de la Maison de l’Empereur. Déposée au Louvre après la chute du Second Empire, elle est restituée en 1881 à l’impératrice Eugénie, veuve de Napoléon III, qui la revend avec une partie de ses collections à l’hôtel Drouot. Elle navigue ensuite à travers plusieurs collections privées successives et traverse l’Atlantique, où elle se trouvait encore récemment sur les cimaises d’une collection texane. Cette heureuse acquisition par le musée national de la Marine marque donc le retour du tableau dans le giron des collections nationales.
Le tableau était exposé à la TEFAF Maastricht en 2023 sur le stand de la galerie new-yorkaise Demisch Danant. © DR
Peintre de marines à succès
Quatrième fils du célèbre miniaturiste, Eugène Isabey est considéré comme l’un des peintres de marines les plus importants du XIXe siècle, tant par le volume (1 000 œuvres sur le thème maritime selon l’inventaire de Pierre Miquel) que par la qualité de sa production, qui aborde aussi bien les scènes d’histoire que les représentations des populations littorales et les paysages. Exposé au Salon de 1824, il jouit dès ses débuts d’une reconnaissance officielle et obtient la médaille d’or pour ses Vue de la plage d’Honfleur, Intérieur du port de Trouville et Ouragan devant Dieppe. Il en décroche deux autres au Salon de 1827 et à l’Exposition universelle de 1855. Mais, à partir des années 1860, son style ne rencontre plus le même succès : le peintre cherche alors à démontrer sa capacité à se renouveler en abordant des sujets d’histoire. La toile acquise par le musée national de la Marine correspond précisément à cette période.
Tempêtes et naufrages au musée
Le tableau a tout naturellement trouvé sa place dans le parcours permanent du musée qui a rouvert ses portes en novembre 2023 après plus de six ans de fermeture. Vous pouvez désormais l’admirer dans l’une des trois traversées intitulée « Tempêtes et naufrages » où sont notamment abordés les rites individuels et collectifs destinés à conjurer le sort, à garantir une protection divine aux marins embarqués et à préserver le salut des âmes disparues.
