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Pompéi : découverte d’une fresque monumentale dévoilant les mystères de Dionysos

Détail de l'une des fresques représentant une bacchante et un satyre.

Détail de l'une des fresques représentant une bacchante et un satyre. © Parco Archeologico di Pompei

Cent ans après la mise au jour de la frise de la Villa des Mystères, une découverte spectaculaire vient offrir un éclairage nouveau sur le culte à mystères dédié à Dionysos : sur trois murs d’une grande salle de banquet, excavée ces dernières semaines, est apparue une frise immense, aux personnages grandeur nature.

Traduit de l’italien par Carole Cavallera

Comme dans la Villa des Mystères, la mégalographie d’un rouge flamboyant représente le cortège rituel de Dionysos, le dieu du vin : des bacchantes, figurées tantôt en danseuses tantôt en féroces chasseuses portant un chevreau égorgé sur les épaules, brandissant une épée ou tenant entre leurs mains les entrailles d’un animal ; de jeunes satyres aux oreilles pointues qui jouent de la flûte double ou accomplissent une libation en versant derrière eux un jet de vin depuis une corne à boire dans une patère (coupe basse).

Une initiation aux mystères de Dionysos

Au centre de la composition, une femme est accompagnée d’un silène tenant une torche : il s’agit d’une inizianda, une femme mortelle qui est sur le point d’être initiée, lors d’un rituel nocturne, aux mystères de Dionysos, le dieu qui meurt et renaît, promettant la même chose à ses disciples. « Dans l’Antiquité, explique Gabriel Zuchtriegel, directeur du Parc archéologique de Pompéi, ces cultes, ces mystères plus exactement, permettaient d’accéder, par des cérémonies d’initiation, à un savoir secret, souvent lié à la promesse d’une nouvelle vie bienheureuse, tant dans ce monde que dans l’au-delà. »

Détail de l'une des fresques figurant une inizianda, une femme accompagnée d’un silène tenant une torche.

Détail de l'une des fresques figurant une inizianda, une femme accompagnée d’un silène tenant une torche. © Parco Archeologico di Pompei

Bacchantes chasseresses

Contemporaine de celle de la Villa des Mystères – elle date des années 40-30 av. J.-C., soit le deuxième style de la peinture pompéienne –, cette fresque présente un autre thème fondamental de l’imaginaire des rituels initiatiques de Dionysos : la chasse. Incarnée par les bacchantes chasseresses, elle est aussi évoquée par une deuxième petite frise qui court au-dessus de la procession de ménades et figure des animaux vivants ou morts, dont un faon et un sanglier à peine éviscéré, des coqs, divers oiseaux, des poissons et des mollusques.

Détail de l'une des fresques représentant des mollusques.

Détail de l'une des fresques représentant des mollusques. © Parco Archeologico di Pompei

Une féminité aux deux visages

« La bacchante, explique Zuchtriegel, exprimait pour les Anciens la nature sauvage et indomptable de la femme ; celle qui abandonne ses enfants, sa maison, la cité, qui sort de l’ordre masculin pour danser librement, chasser et manger de la viande crue dans les montagnes et les bois. L’opposé de la femme délicate qui imite Vénus, déesse de l’amour et des noces. Dans ce cycle de peinture, comme dans celui de la Villa des Mystères, la femme semble osciller entre ces deux extrêmes, entre deux modes de l’être féminin de l’époque. Ces fresques merveilleuses, jouant sur l’illusion et la réalité, nous permettent de mieux appréhender l’importance et la complexité rituelle d’un culte qui remonte à une époque archaïque, probablement au IIe millénaire av. J.-C., un culte déjà rendu au Dionysos des peuples mycéniens et crétois, qui était aussi appelé Zagreus, seigneur des animaux sauvages. »

Salle de banquet découverte dans le bloc IX du site archéologique de Pompéi.

Salle de banquet découverte dans le bloc IX du site archéologique de Pompéi. © Parco Archeologico di Pompei

La Maison du Thiase : un lieu de luxe et de détente

Les fouilles de la Région IX, qui ont commencé en février 2023, sur une zone d’environ 3 200 m² (voir Archéologia n° 630), ont permis de découvrir une cinquantaine de salles et deux maisons dotées d’un atrium, déjà partiellement fouillées au XIXe siècle. Construites à l’époque samnite, elles ont été transformées au Ier siècle en ateliers de production : une fullonica (blanchisserie) et une boulangerie avec four. C’est précisément au sud de ces deux maisons-ateliers situées dans l’îlot 10 que se trouve l’imposante domus baptisée Maison du Thiase, qui comprenait, en plus de la somptueuse pièce peinte sur trois murs de scènes dionysiaques et dont la découverte constitue un événement historique, une élégante salle de banquet aux murs noirs décorés de scènes tirées de la guerre de Troie. Attenant à cette pièce, l’un des plus grands complexes thermaux privés découverts à Pompéi permettait aux invités de se détendre dans le luxueux spa du maître de maison avant de passer à table !

Détail de l'une des fresques identifiées au sein de l'opulente salle de banquet aux murs noirs.

Détail de l'une des fresques identifiées au sein de l'opulente salle de banquet aux murs noirs. © Parco Archeologico di Pompei