Libye : nouvelles perspectives de l’archéologie (3/5). Le retour de la mission archéologique polonaise à Ptolémaïs
2024 marque le retour des missions étrangères en Libye, et notamment dans la région de Cyrénaïque. Après une longue interruption de 12 ans liée au printemps arabe de 2011, ces missions historiques ont rejoint le terrain dans un climat encore instable, où le patrimoine reste vulnérable et la proie des pillages et destructions. Maintenue coûte que coûte pendant cette longue décennie, la coopération franco-libyenne, poursuivie par Vincent Michel, directeur de la mission archéologique française en Libye (MAFL), a permis néanmoins aux chercheurs de conduire d’importants projets de valorisation et de recherche. De nouvelles perspectives que vous dévoile en exclusivité Archéologia.
Les auteurs de ce dossier sont : François Chevrollier, conservateur du patrimoine au musée du Louvre Abu Dhabi, membre de la MAFL, et coordinateur du dossier ; Vincent Michel, professeur d’archéologie à l’université de Poitiers, directeur de la MAFL, et coordinateur du dossier ; Jean-Sylvain Caillou, enseignant-chercheur à l’université catholique de l’Ouest, membre de la MAFL ; Élodie de Faucamberge, chercheuse associée, UMR 8068, TEMPS, membre de la MAFL ; Piotr Jaworski, directeur de la mission archéologique polonaise en Libye, Institut d’archéologie de l’université de Varsovie ; Oliva Menozzi, directrice de la mission archéologique de Chieti, université de Libye et université Gabriele d’Annunzio de Chieti-Pescara
Ptolémaïs est l’une des principales villes portuaires antiques de la côte africaine orientale en Méditerranée. Fondée à la période ptolémaïque, elle est bâtie sur l’ancien port de Barkè. À la fin de l’époque romaine, elle sert brièvement de capitale à la province de Libye supérieure. En 2023, la mission de l’université de Varsovie y est retournée afin de poursuivre ses recherches non invasives sur le site, ses environs et sur le quartier (insula) étudié avant 2011.
Lancée en 2001 par le professeur Tomasz Mikocki (1954-2007), la mission a mis au jour, dès sa première saison, la spectaculaire maison de Leukaktios, une riche résidence privée des IIe et IIIe siècles de notre ère, décorée de mosaïques aux thèmes mythologiques et de peintures murales au riche répertoire de motifs géométriques et figuratifs. Mais le programme de fouilles comprend plus largement une étude complète d’un quartier résidentiel au cœur de la ville. Son but principal est d’acquérir une perception fiable de l’histoire de la cité en se fondant sur un éventail complet de questions liées à son fonctionnement et à la vie quotidienne de ses habitants.
Une carte archéologique du site
Un élément essentiel de la mission reste la conservation des vestiges mis au jour, effectuée par des spécialistes de l’Académie des beaux-arts de Varsovie. Depuis cette année, leurs activités comprennent aussi la restauration des peintures abîmées par les inondations liées au cyclone Daniel de septembre 2023. Dès le début, les fouilles ont été menées en suivant un projet de recherche non invasif, utilisant des méthodes géophysiques et topographiques, ainsi que l’analyse d’images satellites et la photographie aérienne. Ces études ont permis de créer une carte archéologique multicouche du site dans ses limites administratives actuelles. La prochaine phase, lancée à l’hiver 2024, couvrira la zone de l’acropole, qui n’a pas encore fait l’objet d’une exploration scientifique systématique. Les objectifs de la mission comprennent également des investigations sous-marines, y compris sur le port antique.
Petits objets et pièces de monnaie
En juin de cette année, les fouilles ont repris, se concentrant sur les pièces autour de la cour d’une maison implantée au sud de la maison de Leukaktios. En 2005, un cippe (stèle en pierre) portant une inscription grecque dédiée aux dieux augustes y a été mis au jour. De telles déclarations de loyauté envers les empereurs romains, affichées publiquement par les membres de l’élite urbaine, sont une caractéristique du paysage épigraphique de Ptolémaïs. La découverte la plus importante de cette saison demeure une citerne d’eau conservant un riche ensemble de petits objets scellés et 25 pièces de monnaie, dont la plus récente date du règne de Probus (276-282). Elle a confirmé les hypothèses passées selon lesquelles les effondrements de bâtiments, qui ont affecté la plupart des structures de l’insula, ont principalement été dus à deux tremblements de terre survenus dans la seconde moitié du IIIe siècle. Il est très probable que l’abandon définitif de la maison ait eu lieu avant la fin de ce même siècle…
Sommaire
Libye : nouvelles perspectives de l’archéologie
4/5. La mission archéologique de l’université de Chieti en Cyrénaïque (à venir)
5/5. Les merveilles d’Apollonia (à venir)