Le média en ligne des Éditions Faton

Le calendrier des Très Riches Heures du duc de Berry décrypté mois par mois. Septembre : « Les vendanges »

Les frères de Limbourg, vers 1411-1416, Barthélemy d’Eyck, vers 1446, et Jean Colombe, vers 1485, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 9 v°, le mois de septembre, « Les vendanges » (détail). Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm.

Les frères de Limbourg, vers 1411-1416, Barthélemy d’Eyck, vers 1446, et Jean Colombe, vers 1485, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 9 v°, le mois de septembre, « Les vendanges » (détail). Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm. © GrandPalaisRmn (Domaine de Chantilly)/Michel Urtado

Réalisées au XVe siècle, les Très Riches Heures du duc de Berry sont sans doute le manuscrit le plus célèbre au monde. Enluminées par les frères de Limbourg, éminents artistes attachés à la cour de Bourgogne puis de Berry, qui ont révolutionné l’histoire de l’art, elles se composent de 121 miniatures qui captivent par leurs représentations de châteaux historiques, de scènes princières et des travaux des champs rythmés par les saisons. À l’occasion de la restauration de ce chef-d’œuvre, montré seulement deux fois au public depuis la fin du XIXe siècle, il est possible d’admirer les 12 folios du calendrier dérelié jusqu’au 5 octobre dans la salle du Jeu de Paume du château de Chantilly. Nous vous proposons aujourd’hui de plonger au cœur du folio 9 v°, « Les vendanges », illustrant le mois de septembre.

Cette célèbre miniature montrant le château de Saumur, qui a tant inspiré les artistes depuis la redécouverte du manuscrit, offre un résumé de toutes les interventions artistiques que les Très Riches Heures ont connues sur une durée de plus de 70 ans.

Un château de conte de fée

Sous la lunette peinte par les frères de Limbourg se déploie la fabuleuse architecture d’une forteresse digne des contes de fée qui a nourri notre imaginaire du Moyen Âge. Ses tours en poivrière, coiffées de hautes toitures aux épis de faîtage en forme de fleurs de lys, encadrent des corps de logis hérissés de cheminées. Les créneaux sont eux-mêmes ornés de fleurs de lys, tandis que d’impressionnants mâchicoulis confèrent un caractère militaire, en apparence seulement, à une résidence percée de fenêtres. La rampe d’accès mène au pont-levis et au châtelet d’entrée près duquel on aperçoit les cuisines au toit pyramidal, installées loin du château pour éviter tout risque d’incendie. Les analyses scientifiques n’ont pas réussi à y déceler d’éventuel dessin sous-jacent dû aux frères de Limbourg. C’est donc à Barthélemy d’Eyck, peintre du roi René, par ailleurs duc d’Anjou, que doit revenir ce véritable portrait d’architecture.

Les frères de Limbourg, vers 1411-1416, Barthélemy d’Eyck, vers 1446, et Jean Colombe, vers 1485, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 9 v°, le mois de septembre, « Les vendanges » (détail). Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm.

Les frères de Limbourg, vers 1411-1416, Barthélemy d’Eyck, vers 1446, et Jean Colombe, vers 1485, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 9 v°, le mois de septembre, « Les vendanges » (détail). Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm. © GrandPalaisRmn (Domaine de Chantilly)/Michel Urtado

Royal tournoi

La résidence a accueilli, en juin 1446, le Pas d’armes de Saumur, dit aussi Pas du Perron, un grand tournoi organisé quarante jours durant, en l’honneur de Charles VII, par un roi René épris d’aventures chevaleresques. Assistant à ces réjouissances et chargé de les immortaliser, Barthélemy d’Eyck livre ici un souvenir de celles-ci : le parapet d’osier de la lice est figuré au pied du château, mais aussi le « Perron » de marbre, avec ses colonnettes, sur lequel était normalement fixé l’écu que les participants à la joute devaient toucher de leur lance. Cet élément permet de dater la participation du peintre au décor du manuscrit.

Les frères de Limbourg, vers 1411-1416, Barthélemy d’Eyck, vers 1446, et Jean Colombe, vers 1485, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 9 v°, le mois de septembre, « Les vendanges » (détail). Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm.

Les frères de Limbourg, vers 1411-1416, Barthélemy d’Eyck, vers 1446, et Jean Colombe, vers 1485, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 9 v°, le mois de septembre, « Les vendanges » (détail). Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm. © GrandPalaisRmn (Domaine de Chantilly)/Michel Urtado

Les dessous des vendanges

En dessous s’étendent les vignes, peintes par Jean Colombe. Les paysans y cueillent le raisin qui est transporté dans des paniers, ensuite vidés dans des hottes fixées au dos des ânes ou dans des tonneaux emportés par des charrettes tirées par des bœufs vers le pressoir. Moins délicat mais plus bonhomme que ses prédécesseurs, Colombe intègre quelques détails cocasses que n’auraient pas reniés ses devanciers : une paysanne enceinte rajuste sa coiffe, un jeune vigneron s’est arrêté pour goûter aux grappes, tandis qu’en se baissant, un autre nous montre ses sous-vêtements, au centre de la scène.

Les frères de Limbourg, vers 1411-1416, Barthélemy d’Eyck, vers 1446, et Jean Colombe, vers 1485, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 9 v°, le mois de septembre, « Les vendanges ». Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm.

Les frères de Limbourg, vers 1411-1416, Barthélemy d’Eyck, vers 1446, et Jean Colombe, vers 1485, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 9 v°, le mois de septembre, « Les vendanges ». Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm. © GrandPalaisRmn (Domaine de Chantilly)/Michel Urtado

« Les Très Riches Heures du duc de Berry » jusqu’au 5 octobre 2025 au Château de Chantilly, Salle du Jeu de Paume, 60500 Chantilly. Tél. : 03 44 27 31 80. chateaudechantilly.fr

Art de l’enluminure n° 93, Éditions Faton, 16 €.