Sophie Kervran tient bon la barre en Finistère

Sophie Kervran.

Sophie Kervran. © Photo Cécile Peltier

Voilà quatre ans que Sophie Kervran préside aux destinées du pittoresque musée de la pêche de Concarneau et du dynamique musée de Pont-Aven. Poursuivant une ambitieuse politique d’expositions et d’acquisitions, elle entend continuer à élargir les publics, sans rien perdre de la singularité de ces deux institutions.

Sophie Kervran s’est très tôt passionnée pour le métier de conservatrice. Originaire de Brest où elle suit une maîtrise d’histoire, elle continue ses études à la Sorbonne puis décroche le concours de conservateur et obtient, à seulement 27 ans, la direction du musée de l’île de Ré. Elle prend ensuite les rênes du service patrimoine de la Ville de Vannes avant de rejoindre le musée des Beaux-Arts de Quimper ; des expériences qui l’ancrent dans sa Bretagne natale et confortent son intérêt pour les musées territoriaux. Candidate idéale pour prendre le gouvernail des deux musées gérés par Concarneau Cornouailles Agglomération, la conservatrice ne cache pas son enthousiasme : « j’aime beaucoup travailler avec les élus au service d’un territoire, d’autant que la collectivité est fière de ses musées et nous apporte un soutien sans faille ».

Un nouveau regard

Comme un poisson dans l’eau, elle succède à Estelle Guille des Buttes qui avait indéniablement imprimé sa marque à ce poste depuis 2006, en menant notamment à bien l’ambitieux chantier de rénovation du musée de Pont-Aven. « J’ai pu apporter un nouveau regard pour relever un défi : pérenniser l’effet “réouverture ”» souligne Sophie Kervran. Diversifier et fidéliser les publics passe par un renforcement de l’offre à destination des familles ; la Brestoise s’attache aussi à donner une place à d’autres médiums que la peinture, comme en témoignent les expositions dédiées aux photographies de Viviane Maier et de Willy Ronis, organisées en début d’année afin d’attirer les visiteurs au-delà de la période estivale1

Les femmes en lumière

La sémillante conservatrice défend aussi l’idée d’un musée vivant et « citoyen », en prise avec les problématiques contemporaines. Les expositions jettent ainsi une lumière bienvenue sur les femmes : après les « Artistes voyageuses » et l’impressionniste Anna Boch, les « Femmes chez les Nabis » sont actuellement à l’honneur, et le musée consacrera l’été prochain ses cimaises aux sorcières. « Nous avons à cœur d’allier esprit d’ouverture et rigueur scientifique. » Pour cela des synergies ont été mises en place avec d’autres musées (Brest, Tours, Quimper…), et le fructueux partenariat noué avec le musée d’Orsay se poursuit.

Une dynamique politique d’enrichissement

L’enrichissement des collections est un autre axe fort de la politique poursuivie par Sophie Kervran. Rappelons que l’institution pontaveniste a été fondée en 1985 sans collection, et qu’elle abrite aujourd’hui près de 4 500 œuvres ! Au budget alloué par l’Agglomération et au soutien de la Société des amis s’ajoutent des dons et legs qui permettent d’enrichir notablement les fonds. Parmi les acquisitions récentes figurent une très ésotérique étude de Christ et Bouddha par Paul Ranson et cette Jeune Bretonne peinte par la Finlandaise Elin Danielson-Gambogi, l’une des nombreuses Scandinaves venues se former dans les académies libres de Paris à la fin du XIXe siècle, et qui passaient l’été en région.

Elin Danielson-Gambogi (1861-1919), Jeune Bretonne, 1884. Huile sur toile, 45 x 51,5 cm. Achat en 2021.

Elin Danielson-Gambogi (1861-1919), Jeune Bretonne, 1884. Huile sur toile, 45 x 51,5 cm. Achat en 2021. © Bernard Galeron

Vaste rénovation du musée de la pêche de Concarneau

La gestion du musée de la pêche de Concarneau soulève quant à elle des problématiques fort différentes. Plébiscité par le public et en particulier les familles, séduites par le charme du site et la découverte du chalutier Hémérica, l’institution qui possède de riches collections devrait fermer ses portes en 2025 pour environ deux ans, dans le cadre d’un vaste projet de rénovation attendu de longue date. « L’enjeu est ici de moderniser le parcours, et surtout le discours, sans altérer l’ambiance très particulière du lieu », observe Sophie Kervran. « Il s’agit de transformer ce musée des techniques de la pêche en donnant une place centrale aux hommes et aux femmes qui incarnent cet univers depuis des siècles. » Outre l’introduction de supports multimédias donnant la parole à des professionnels, l’institution entrera de plain-pied dans le XXIe siècle en abordant des thématiques comme le développement durable et l’avenir de la pêche. Résolument tournés vers l’avenir, les deux musées contribuent au rayonnement de la région. « À nous de cultiver cette aura », conclut la directrice.

Note

1 Alors que 80 % des visiteurs se concentraient auparavant sur la période estivale, ils sont aujourd’hui 60 %.