Lugano : quand Klein rencontre Arman

Yves Klein (1928-1962), Monochrome jaune sans titre (MP73), 1957. Pigment sec et résine synthétique sur gaze et panneau de bois, 40 x 60 x 3 cm. Lugano, Collezione Giancarlo e Danna Olgiati.

Yves Klein (1928-1962), Monochrome jaune sans titre (MP73), 1957. Pigment sec et résine synthétique sur gaze et panneau de bois, 40 x 60 x 3 cm. Lugano, Collezione Giancarlo e Danna Olgiati. © Succession Yves Klein / 2024 ProLitteris, Zürich

À Lugano, la collection Giancarlo e Danna Olgiati célèbre la philosophie matérielle et immatérielle des deux chantres du Nouveau Réalisme, à travers une confrontation inédite.

En collaboration avec la Fondation Yves Klein, la collection Olgiati présente le point de vue complémentaire et antithétique des artistes Yves Klein (1928-1962) et Arman (1928-2005).

Une scénographie signée Mario Botta

Dans un bâtiment attenant au centre culturel de Lugano LAC, qui abrite également le musée MasiLugano, environ soixante tableaux, sculptures et dessins des deux complices, réalisés entre 1955 et 1969, dialoguent dans un face-à-face mis en scène par Mario Botta. Provenant d’une collection suisse comptant parmi les plus importantes en matière d’art moderne et contemporain italien, ainsi que de plusieurs fonds privés, toutes ces œuvres ont été mises en lumière par le scénographe et architecte suisse, proche de la famille.

Vue de l’exposition « Yves Klein et Arman. Le Vide et Le Plein », Lugano, Collezione Giancarlo e Danna Olgiati.

Vue de l’exposition « Yves Klein et Arman. Le Vide et Le Plein », Lugano, Collezione Giancarlo e Danna Olgiati. © Succession Yves Klein / 2024, ProLitteris, Zürich / StudioFotoEnricoCano

Un hommage réciproque

De part et d’autre d’une allée centrale, cinq « chapelles » dévoilent leurs affinités et paradoxes artistiques. À l’entrée, l’exposition, conçue notamment comme un hommage réciproque, présente le Portrait-relief d’Arman, par Klein, de 1962, faisant écho, quelques mètres plus loin, au Premier portrait-robot d’Yves Klein le monochrome, réalisé en 1960, par son compère.

Arman (1928-2005), Premier portrait-robot d’Yves Klein le Monochrome, 1960. Objet dans une boîte en bois et plexi, 76 x 50 x 12 cm. Collection privée.

Arman (1928-2005), Premier portrait-robot d’Yves Klein le Monochrome, 1960. Objet dans une boîte en bois et plexi, 76 x 50 x 12 cm. Collection privée. © Arman Studio Archives New York/ 2024 ProLitteris, Zürich

« À Arman fut assignée la terre, à Klein, le ciel et son infini. »

Une amitié indéfectible

« En 1947, Arman et Klein se rencontrent sur les tatamis d’une école de judo à Nice, explique le commissaire italien Bruno Corà. Ils étudient la pensée théosophique rosicrucienne et, un jour, décident de se « partager » l’univers. À Arman fut assignée la terre, à Klein, le ciel et son infini. » Tel est donc le réel propos de la présentation : illustrer combien la poétique des œuvres « immatérielles », reliées au ciel – donc au vide de Klein –, répond à celle, plus tangible et en lien au plein et à la terre, des pièces d’Arman. Pour exemple, de splendides monochromes colorés, sans titre, d’un côté de la coursive, font écho à plusieurs des Cachets et Allures d’objets d’Arman, de l’autre côté. En outre, plusieurs Anthropométries, Cosmogonies, Peintures de feu de Klein dialoguent en parallèle avec quelques Accumulations, Colères et Combustions d’Arman. Dans une des absides, Guitare d’Yves, présentant la guitare cassée du créateur du bleu IKB, revisitée en 1963 par Arman, révèle également la nature de cette amitié indéfectible.

Yves Klein (1928-1962), Monochrome rose sans titre (MP 30), 1955. Pigment sec et résine synthétique sur panneau, 100,3 x 64,5 x 2 cm. Collection privée.

Yves Klein (1928-1962), Monochrome rose sans titre (MP 30), 1955. Pigment sec et résine synthétique sur panneau, 100,3 x 64,5 x 2 cm. Collection privée. © Succession Yves Klein / 2024 ProLitteris, Zürich

Grandes signatures de l’art italien

Cette exposition brille par la mise en lumière du caractère sensible et inédit de ce duo esthétique et spirituel, et la qualité irréprochable des pièces présentées. Plus encore, elle permet d’en savoir plus sur la collection permanente couvrant 120 ans d’histoire de l’art, du début du XXe siècle jusqu’à nos jours. En effet, à ses côtés, un nouveau florilège du fonds Olgiati est désormais présenté. Des « morceaux choisis » parmi plus de 200 œuvres regroupant de grandes signatures de l’art italien « tourné vers le reste du monde » comme, parmi d’autres, Giovanni Anselmo, Giacomo Balla, Pier Paolo Calzolari, Fortunato Depero, ou encore Mario Merz. De plus, la sélection 2024-2025 présente de nombreux documents liés au mouvement futuriste, dans la salle des « Archives Futuristes ». Complétée par la nouvelle exposition temporaire, cette collection, créée par le couple Olgiati par amour pour les artistes des avant-gardes, est à voir absolument.

Arman (1928-2005), Cello, 1962, violoncelle tranché sur panneau de bois, 160 x 135 x 21,5 cm. Lugano, Collezione Giancarlo e Danna Olgiati.

Arman (1928-2005), Cello, 1962, violoncelle tranché sur panneau de bois, 160 x 135 x 21,5 cm. Lugano, Collezione Giancarlo e Danna Olgiati. © Arman Studio Archives New York/ 2024 ProLitteris, Zürich / François Fernandez

« Yves Klein et Arman. Le Vide et Le Plein », jusqu’au 12 janvier 2025 à la Collezione Giancarlo e Danna Olgiati, Lungolago, 1 Riva Caccia, Lugano 6900 (CH). Tél. + 41 (0) 91 921 46 32. www.collezioneolgiati.ch