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Saint-Césaire : le mystère de l’Ouest

Évocation de la fabrication de parures.

Évocation de la fabrication de parures. © Éric Le Brun ­

Qui est l’artisan du Châtelperronien : Néandertal ou Homo sapiens ? Selon les études et les découvertes, le cœur des préhistoriens balance. De nouvelles recherches à Saint-Césaire, en Charente-Maritime, compliquent encore le problème.

Ah, ces fameuses industries dites « de transition »… Technocultures entre deux mondes, le Paléolithique moyen et le Paléolithique récent, elles essaiment en Europe entre 47 000 et 42 000 ans : l’Uluzzien en Grèce et en Italie, le Lincombien-Ranisien-Jerzmanowicien (LRJ) en Europe du Nord, les Bohunicien et Szélétien en Europe centrale, le Strélétskien en Europe de l’Est, le Bacho-Kirien en Bulgarie et le Châtelperronien en France et dans le Nord de l’Espagne. Au point que certains préhistoriens parlent désormais de « Paléolithique récent initial ».

Néandertaliens versus Homo sapiens

Jusqu’à récemment, elles étaient attribuées aux derniers Néandertaliens, qui auraient copié le débitage laminaire des hommes anatomiquement modernes commençant à coloniser l’Europe. Et puis de nouvelles fouilles et des analyses précises de l’ADN ou des protéines des restes humains retrouvés ont permis de conclure que leurs artisans étaient des Sapiens. Sauf pour le Châtelperronien, où le doute subsiste.

Une reprise de l’étude s’impose

Deux sites majeurs sont mobilisés : la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure (Bourgogne) et la Roche-à-Pierrot à Saint-Césaire (Charente). Ce dernier est célèbre pour le squelette néandertalien retrouvé (la fameuse « Pierrette »), qui avait servi autrefois à associer le Châtelperronien à notre cousin. Mais des analyses stratigraphiques ont jeté le doute : Pierrette semble appartenir à des niveaux moustériens, donc du Paléolithique moyen, et non à la couche plus récente dite châtelperronienne. Une reprise de l’étude du site s’imposait ; ce qui est le cas depuis 2013.

Le plus ancien atelier de fabrication de parures

Les fouilleurs se sont intéressés en particulier à une couche bien identifiée comme châtelperronienne (l’unité stratigraphique 18-19). Le résultat a dépassé leurs espérances, puisqu’ils y ont mis au jour, outre des assemblages lithiques et fauniques, 96 pigments (des oxydes de fer rouges et jaunes ramassés à au moins 40 km du site) et plusieurs centaines de coquillages entiers ou fragmentaires, témoignant de la présence de ce qui semble être rien de moins, selon eux, que « le plus ancien atelier de fabrication de parures en coquillages d’Europe de l’Ouest ». Certains d’entre eux (des littorines) ont été ramassés sur les plages atlantiques, à près de 100 km de distance. Cette explosion des parures, déjà présentes au Paléolithique moyen mais en nombre limité, est commune aux sites du Paléolithique récent initial, corollaire de l’arrivée des Sapiens (passés maîtres dans l’art de se parer depuis plusieurs millénaires, comme à Blombos en Afrique du Sud). La messe est-elle dite ? Les artisans du Châtelperronien furent-ils également des Cro-Magnons ? En l’absence de restes humains clairement associés, difficile de trancher. La poursuite des fouilles et des prospections, à la recherche de nouveaux sites, semble plus que jamais nécessaire.

Pour aller plus loin
BACHELLERIE F. et al., 2025, « Châtelperronian cultural diversity at its western limits: Shell beads and pigments from La Roche-à-Pierrot, Saint-Césaire », PNAS, 122 (39), e2508014122. Doi : 10.1073/ pnas.2508014122
GICQUEAU A. et al., 2023, « Anatomically modern human in the Châtelperronian hominin collection from the Grotte du Renne (Arcy-sur-Cure, Northeast France) », Sci. Rep., 13, 12682. Doi : 10.1038/ s41598-023-39767-2
GRAVINA B. et al., 2018, « No Reliable Evidence for a Neanderthal-Châtelperronian Association at La Roche-à-Pierrot, Saint-Césaire », Nature, Scientific reports. Doi : 10.1038/s41598-018-33084-9
MYLOPOTAMITAKI D. et al., 2024, « Homo sapiens reached the higher latitudes of Europe by 45,000 years ago », Nature, 626, 341-346. Doi : 10.1038/ s41586-023-06923-7
PEDERZANI S. et al., 2024, « Stable isotopes show Homo sapiens dispersed into cold steppes ~ 45,000 years ago at Ilsenhöhle in Ranis, Germany », Nature Ecology Evolution. Doi : 10.1038/s41559-023- 02318-z