Un rarissime biscuit de porcelaine représentant l’empereur de Chine Qianlong entre à Versailles
Le 17 décembre dernier, le château de Versailles a préempté pour 133 056 € (frais inclus) chez Artcurial une superbe sculpture en biscuit de porcelaine produite par la manufacture royale de Sèvres vers 1776 et représentant l’empereur de Chine Qianlong. Issue d’une rare série de treize exemplaires, achetés notamment par plusieurs membres de la famille royale, cette précieuse figurine illustre à merveille les relations qu’entretenaient l’Empire du milieu et la France aux XVIIe et XVIIIe siècles.
La rareté et la beauté de cette pièce – un portrait de 40 centimètres de haut de l’empereur Qianlong (1711-1799) debout, les mains jointes, vêtu d’un manteau de fourrure et d’une toque (dont la perle sommitale a disparu) – justifient pleinement sa place dans les collections du château de Versailles.
Une aquarelle de Giuseppe Panzi
Son histoire commence pour ainsi dire en Chine, lorsque frère Giuseppe Panzi (1734-1812), jésuite peintre à la cour de Qianlong, réalise un portrait de l’empereur à l’aquarelle. Ce dernier exige d’être représenté de face et non de biais, comme on le fait alors en Europe, et sans flatterie. En 1775 ou 1776, ce dessin est envoyé en France au ministre d’État Henri-Léonard Bertin (1720-1792), l’un des plus grands sinophiles de son temps.
De la plaque de porcelaine peinte
L’œuvre est confiée par le ministre à la manufacture de Sèvres où Charles-Éloi Asselin (1743-1804) exécute un nouveau portrait de Qianlong, cette fois-ci peint sur une plaque de porcelaine. Il est acquis par Louis XVI en 1776 et toujours conservé au château de Versailles. Deux autres plaques de porcelaine peintes représentant l’empereur sont également répertoriées.
… au biscuit immaculé
Au même moment, toujours d’après le dessin aquarellé de Panzi, le sculpteur Josse-François-Joseph Le Riche (1741-1812) réalise, sous la direction de Louis-Simon Boizot (1743-1809), une figure en biscuit de l’empereur chinois dont le modèle en terre cuite est visible au musée de Sèvres.
D’insignes acheteurs
Les premiers exemplaires sont vendus en 1776 à Marie-Antoinette, à la duchesse de Mazarin et à Madame Adélaïde, fille de Louis XV. L’année suivante, le prince de Croÿ s’en porte également acquéreur, tout comme la comtesse d’Artois, belle-sœur du roi. Au total, treize exemplaires sont ainsi achetés, prouvant le succès de ce modèle auprès des membres de la famille royale et de la haute noblesse.
Versailles-Pékin
L’étonnante histoire de cette précieuse statuette met en lumière les relations privilégiées que le royaume de France et l’Empire du milieu ont entretenues sous l’Ancien Régime. Henri-Léonard Bertin correspond avec plusieurs pères jésuites installés en Chine et notamment le père Jean-Joseph Amiot (1718-1793). Ce dernier, présent auprès de Qianlong à Pékin, lui fait parvenir divers objets dont des porcelaines, des tissus de soie et des instruments de musique. C’est sous l’impulsion du ministre sinophile que la manufacture de Sèvres crée à cette époque de nouvelles formes directement inspirées de pièces chinoises.
Trois autres exemplaires connus
Seulement trois autres exemplaires de cette statuette sont aujourd’hui connus : le premier est conservé au musée des Arts décoratifs de Paris, le deuxième au Museum of Fine Arts de Boston et le troisième est récemment passé en vente publique.