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La broderie des Ursulines : un chef-d’œuvre du Grand Siècle au musée de Picardie

Ursulines d’Amiens, Antependium, La Vierge à l’Enfant avec le petit saint Jean (détail), vers 1660. Broderie de fils de laine, fils de soie, fils métalliques, perles, pierres fines, verroterie, 95 x 293 cm. Amiens, musée de Picardie.

Ursulines d’Amiens, Antependium, La Vierge à l’Enfant avec le petit saint Jean (détail), vers 1660. Broderie de fils de laine, fils de soie, fils métalliques, perles, pierres fines, verroterie, 95 x 293 cm. Amiens, musée de Picardie. Photo service de presse. © Musée de Picardie / Irwin Leullier

Grâce à une campagne de financement participatif, le musée de Picardie a récemment acquis un spectaculaire antependium réalisé à Amiens au XVIIe siècle. L’exposition, organisée autour de cette insigne pièce de textile, témoigne de la virtuosité des Ursulines dans l’art de la broderie.

Il n’avait pas été montré depuis plus d’un siècle. La dernière présentation au public de ce précieux chef-d’œuvre de broderie remontait à l’Exposition universelle de Bruxelles en 1910. Le somptueux antependium venait alors d’être cédé par les Ursulines d’Amiens qui avaient trouvé refuge en Belgique après l’adoption de la loi Combes interdisant l’enseignement par les congrégations religieuses en 1904. Il était depuis demeuré en collection particulière jusqu’à ce que le musée de Picardie parvienne l’an dernier à l’acquérir en recourant au mécénat.

Ursulines d’Amiens, Antependium, vers 1660. Broderie de fils de laine, fils de soie, fils métalliques, perles, pierres fines, verroterie, 95 x 293 cm. Amiens, musée de Picardie.

Ursulines d’Amiens, Antependium, vers 1660. Broderie de fils de laine, fils de soie, fils métalliques, perles, pierres fines, verroterie, 95 x 293 cm. Amiens, musée de Picardie. Photo service de presse. © Musée de Picardie / Irwin Leullier

« Une merveille »

Cette broderie aux dimensions imposantes avait été réalisée pour orner le maître-autel de la chapelle du couvent des Ursulines d’Amiens. L’édifice, détruit au XIXe siècle, était considéré comme l’un des bâtiments les plus remarquables de la ville. Il fut admiré par Giovanni Francesco Romanelli (1610-1662), de passage à Amiens au printemps 1646, qui mentionna également la confection de l’antependium dans une lettre adressée au cardinal Barberini : « Des religieuses font une tapisserie au point en forme de tenture à figures contenant la vie de sainte Ursule qui est une merveille. » Le peintre italien pourrait avoir exercé une certaine influence sur la réalisation de l’ouvrage, car l’une des scènes brodées s’inspire de la Sainte Ursule (tableau aujourd’hui disparu) qui lui avait été commandée pour la chapelle de la Sorbonne.

Ursulines d’Amiens, Antependium, La Charité (détail), vers 1660. Broderie de fils de laine, fils de soie, fils métalliques, perles, pierres fines, verroterie, 95 x 293 cm. Amiens, musée de Picardie.

Ursulines d’Amiens, Antependium, La Charité (détail), vers 1660. Broderie de fils de laine, fils de soie, fils métalliques, perles, pierres fines, verroterie, 95 x 293 cm. Amiens, musée de Picardie. Photo service de presse. © Musée de Picardie / Irwin Leullier

De grands modèles picturaux

La riche iconographie de l’antependium est inspirée par les œuvres des plus grands maîtres. En son centre est représentée une Vierge à l’Enfant, selon une composition qui emprunte à la fois à la Sainte Famille au lys de Jacques Stella (1596-1657), reproduite en gravure par François de Poilly l’Ancien, et à une estampe de Gilles Rousselet (1610-1686) traduisant un tableau de l’Albane. Elle est entourée des deux saints patrons de l’ordre des Ursulines : sainte Ursule d’après Romanelli, et saint Augustin, d’après le tableau d’autel peint par Antoon van Dyck (1599-1641) pour l’église Saint-Augustin à Anvers. Cette dernière composition a toutefois été adaptée par les brodeuses qui se sont également inspirées de l’estampe La Sainte Trinité à l’Enfant Jésus emmailloté gravée par François de Poilly l’Ancien à partir d’un tableau de Pierre Mignard (1612-1695). L’étude de cette iconographie complexe, associant des modèles aussi variés, a fait resurgir des figures oubliées d’artistes parmi les Ursulines, comme Madeleine Varin (sœur Sainte-Madeleine), fille de Quentin Varin (vers 1575-1626), qui passait pour « fort sçavante & experimentée en la peinture & en la broderie ».

Ursulines d’Amiens, Voile de calice : l’Enfant Jésus, seconde moitié du XVIIe siècle. Broderie de fils de laine, fils de soie et fils métalliques. Amiens, collection des Ursulines d’Amiens en dépôt au Musée de Picardie.

Ursulines d’Amiens, Voile de calice : l’Enfant Jésus, seconde moitié du XVIIe siècle. Broderie de fils de laine, fils de soie et fils métalliques. Amiens, collection des Ursulines d’Amiens en dépôt au Musée de Picardie. Photo service de presse. © Musée de Picardie / Irwin Leullier

Un chef-d’œuvre de broderie

La virtuosité technique des religieuses leur permit de traduire ces modèles prestigieux en « broderie de nuances », aussi appelée « peinture à l’aiguille ». Elles employèrent une grande variété de tons, en alternant des fils de laine (utilisés pour leur velouté et leur matité) et des fils de soie (pour leur brillance et leur chatoiement), afin de rendre les volumes, les ombres, les modelés et les drapés selon un effet presque pictural. Ce splendide ouvrage, rehaussé de fils d’argent et d’argent doré, encore enrichi de perles et de pierres fines, destinées à produire un effet étincelant à la lueur des cierges, contribua largement à la renommée des Ursulines dans l’art de la broderie.

Ursulines d’Amiens, Antependium, L’Extase de saint Augustin (détail), vers 1660. Broderie de fils de laine, fils de soie, fils métalliques, perles, pierres fines, verroterie, 95 x 293 cm. Amiens, musée de Picardie.

Ursulines d’Amiens, Antependium, L’Extase de saint Augustin (détail), vers 1660. Broderie de fils de laine, fils de soie, fils métalliques, perles, pierres fines, verroterie, 95 x 293 cm. Amiens, musée de Picardie. Photo service de presse. © Musée de Picardie / Irwin Leullier

« La Broderie des Ursulines. Chef-d’œuvre du Grand Siècle », jusqu’au 6 juillet 2025 au Musée de Picardie, 2 rue Puvis de Chavannes, 80000 Amiens. Tél. 03 22 97 14 00. www.amiens.fr/musee

Catalogue, éditions Invenit / musée de Picardie, 96 p., 18 €.