« L’atelier des dames » : Jean-Jacques Henner et ses élèves féminines

Ottilie Roederstein (1859-1937), Madeleine Smith au chevalet (peignant Jeanne d'Arc), vers 1890. Huile sur toile. Nogent-sur-Marne, Fondation des Artistes. Photo service de presse. © Raphaële Kriegel-Fondation des Artistes.
Le musée national Jean-Jacques Henner fait revivre « l’atelier des dames » où le peintre dispensait son enseignement. Tout en soulignant les difficultés rencontrées par les jeunes femmes pour mener une carrière artistique, il met en lumière les œuvres de ces peintres oubliées.
«Il n’y avait guère, à Paris, outre l’Académie Julian, que l’atelier fondé par MM. Carolus-Duran et Henner où les femmes peintres fussent assurées de recevoir les leçons les plus sérieuses », lisait-on en 1893 dans L’Art français. Alors que les jeunes femmes ne pouvaient pas encore entrer à l’École des beaux-arts de Paris, Carolus-Duran, déjà à la tête d’un atelier réservé aux étudiants masculins, ouvrit en 1873 un « atelier des dames ». Et, dès l’année suivante, il fit appel à son ami Jean-Jacques Henner pour en assurer avec lui l’enseignement.
Une solide réputation
Le peintre alsacien qui venait d’obtenir la Légion d’honneur était alors en pleine gloire grâce au succès de son tableau patriotique, L’Alsace. Elle attend, de 1871. Sa réputation contribua à attirer de nombreuses élèves, venues de toute la France, mais également de différents pays européens et des États-Unis. De récentes recherches ont permis d’identifier plus de 150 élèves auxquelles Henner dispensa ses cours durant une quinzaine d’années, jusqu’à son élection à l’Institut en 1889.
Juana Romani (1867-1923), Desdémone ou Portait de femme en costume vénitien, 1903. Huile sur bois, 81 x 64,5 cm. Courbevoie, musée Roybet-Fould. Photo service de presse. © Ville de Courbevoie
Portraits et autoportraits à foison
La plus connue (ou la moins méconnue) fut Louise Abbéma qui se fit remarquer au Salon de 1876 grâce à un portrait magistral de Sarah Bernhardt. L’art du portrait et de l’autoportrait fut largement pratiqué par les élèves de Henner, comme Ida Deurbergue, Noémie Guillaume, Mélanie Balleyguier-Duchâtelet ou Marie Cayron-Vasselon qui réalisa de rapides esquisses de ses compagnes, transcrivant ainsi l’atmosphère de l’atelier.
Louise Abbéma (1853-1927), Portrait de Jeanne Samary (1857-1890), sociétaire de la Comédie-Française, vers 1879. Huile sur toile, 106 x 65,5 cm. Paris, musée Carnavalet – Histoire de Paris. Photo CC0 – Paris Musées / musée Carnavalet – Histoire de Paris
Nus et peintures d’histoire
De manière plus audacieuse, certaines d’entre elles cherchèrent à s’aventurer vers le grand genre de la peinture d’histoire et à aborder la représentation de nus, masculins comme féminins, longtemps considérée comme scandaleuse pour les femmes artistes. Dorothy Tennant, Marie Beaumetz-Petiet, Eugénie-Marie Gadiffet-Caillard dite Germaine Dawis, et bien d’autres, s’inspirèrent abondamment des œuvres de Henner mettant en scène des nymphes aux longs cheveux roux, langoureusement étendues près d’une source ou dans l’ombre d’un sous-bois brumeux. Ottilie Roederstein réalisa plusieurs versions d’une Pietà pour parvenir à relever le défi présenté par le rendu anatomique d’un corps masculin. Cette artiste de grand talent, représentée en Jeanne d’Arc par une autre élève de Henner, Madeleine Smith, réussit par la suite à mener une belle carrière à Francfort.
Germaine Dawis (1857-1927), Nymphe ou Naïade, dernier quart XIXe siècle-premier quart XXe siècle. Huile sur toile. Collection Corbucci. Photo service de presse. © Burgun Reichart Restauration
Quelques tableaux d’Henner témoignent de sa fierté devant les succès remportés par ses élèves. Il peignit ainsi un portrait de Madeleine Smith de profil, couronnée de lauriers, qu’il lui offrit lorsqu’elle remporta une médaille au Salon de 1895.
« Elles. Les élèves de Jean-Jacques Henner », jusqu’au 28 avril 2025 au musée national Jean-Jacques Henner, 43 avenue de Villiers, 75017 Paris. Tél. 01 83 62 56 17. www.musee-henner.fr
Catalogue, coédition Faton / musée national Jean-Jacques Henner, 301 p., 35 €.