Le musée national de Céramique de Sèvres dévoile ses trésors 

Vue de l'exposition « Merveilles ! » au musée national de Céramique de Sèvres.

Vue de l'exposition « Merveilles ! » au musée national de Céramique de Sèvres. Photo service de presse. © Guillaume de Laubier

Le musée national de Céramique souffle ses 200 bougies ! Voilà l’occasion rêvée pour dévoiler, avec l’exposition « Merveilles ! », un époustouflant panorama de tous les trésors qu’il abrite.

Si le visiteur discerne en filigrane l’histoire de l’institution qui débute officieusement dès 1802, c’est-à-dire lorsqu’Alexandre Brongniart, alors directeur de la Manufacture de Sèvres, commence à collecter des objets, le ton de l’exposition est volontiers ludique. En témoignent les titres des dix thématiques autour desquelles s’articule le parcours : « La maison des contes », « La vie en rose », « Tout ce qui brille »… Singulières, historiques, poétiques, spectaculaires, voire étranges, plus de 500 pièces choisies parmi les 50 000 œuvres que comptent les collections composent cette étourdissante exposition servie par une scénographie chamarrée.

Vase aux Cent Trésors, Chine, XIXe siècle. Porcelaine, décor appliqué et peint sur couverte, H. 63,5 cm ; L. 33,5 cm. Sèvres, musée national de Céramique.

Vase aux Cent Trésors, Chine, XIXe siècle. Porcelaine, décor appliqué et peint sur couverte, H. 63,5 cm ; L. 33,5 cm. Sèvres, musée national de Céramique. Photo service de presse. © GrandPalaisRmn (Sèvres – Manufacture et musée nationaux) / Stéphane Maréchalle

« Le musée Céramique a pour objet principal la satisfaction de l’esprit par les moyens qu’il donne d’étudier l’histoire des arts dont il renferme les produits. »

Alexandre Brongniart, préface de la Description méthodique du musée Céramique de la Manufacture royale de porcelaine de Sèvres, Paris, 1845.

De surprise en surprise

On admire ici de nombreuses pièces créées dans les ateliers de la Manufacture en activité depuis 1756, à l’instar de la théière Aubergine de l’Américain Adrian Saxe, des plats de reliure imaginés par Théodore Deck ou du Traîneau en biscuit de porcelaine de ­Nathalie Talec, mais les dons et acquisitions successifs ont aussi enrichi les collections de céramiques du monde entier. Une cruche cycladique peut ainsi librement dialoguer avec un autel vaudou du Bénin, non loin d’un vase de la dynastie Qing monté en bronze doré, ou de faïences à décor de lustre métallique du Proche-Orient. Laissez-vous surprendre !

Théodore Deck (1823-1891), d’après Joseph Chéret (1838-1894), Les Libellules, vers 1900. Faïence à émail craquelé jaune, H. 35,5 ; L. 20,3 cm. Sèvres, musée national de Céramique.

Théodore Deck (1823-1891), d’après Joseph Chéret (1838-1894), Les Libellules, vers 1900. Faïence à émail craquelé jaune, H. 35,5 ; L. 20,3 cm. Sèvres, musée national de Céramique. Photo service de presse. © GrandPalaisRmn (Sèvres – Manufacture et musée nationaux) / Sylvie Chan-Liat

Un joyau de Meissen revisité

À la demande du prince électeur de Saxe Auguste III, qui comptait l’offrir à Louis XV, Johann Joachim Kaendler conçoit en 1741-1747 un spectaculaire ensemble de cinq vases mettant en scène les quatre éléments et glorifiant la France. Modeleur virtuose de la manufacture de Meissen, Kaendler démontre ici sa connaissance de la mythologie gréco-romaine autant que son goût pour les compositions rocailles. Jamais offert au roi, l’ensemble conservé à Dresde a été réinterprété au XIXe siècle dans une éblouissante version en couleurs. Dans un tourbillon de plumes et de nuages, l’affriolante Junon accompagnée du paon trône sur la panse de cette aiguière symbolisant l’Air, face à Zéphyr personnifiant le vent d’ouest.

D’après Johann Joachim Kaendler (1706-1775), L’Air, Manufacture de Meissen, XIXe siècle. Porcelaine dure, 66 x 40 x 25 cm. Sèvres, musée national de Céramique, acquis de monsieur Claude en 1991.

D’après Johann Joachim Kaendler (1706-1775), L’Air, Manufacture de Meissen, XIXe siècle. Porcelaine dure, 66 x 40 x 25 cm. Sèvres, musée national de Céramique, acquis de monsieur Claude en 1991. Photo service de presse. © Grand Palais Rmn (Sèvres – Manufacture et musée nationaux) / Martine Beck-Coppola

Un parfum d’éternité

Roses, œillets et fleurs de toutes sortes sont à l’évidence l’un des motifs de prédilection des peintres sur porcelaine, mais au XVIIIe siècle, les manufactures françaises tentent aussi de rivaliser avec Meissen dans la production de fleurs en relief troublantes de réalisme. Se distinguant des fleurs à l’unité ou assemblées en bouquets, cette plaque réalisée en Angleterre vers 1850 était destinée à être accrochée au mur. Restée à l’état de biscuit, elle n’a pas reçu sa couche d’émail, ce qui explique l’éclatante blancheur des délicats fuchsias, dahlias et anémones qui s’y mêlent. Ce type de décor est obtenu grâce à la technique du pastillage, c’est-à-dire que les pétales sont façonnés à la main à partir de boules appelées « pastilles », avant d’être savamment assemblés.

Edward Raby (1810-1867) (?), Plaque ornée d’un bouquet de fleurs en relief, Angleterre, Manufacture Pountney & Co (Bristol) (?), vers 1850. Biscuit de porcelaine phosphatique (bone china), 30,2 x 24,8 x 6,4 cm. Sèvres, musée national de Céramique, acquis en 1910.

Edward Raby (1810-1867) (?), Plaque ornée d’un bouquet de fleurs en relief, Angleterre, Manufacture Pountney & Co (Bristol) (?), vers 1850. Biscuit de porcelaine phosphatique (bone china), 30,2 x 24,8 x 6,4 cm. Sèvres, musée national de Céramique, acquis en 1910. Photo service de presse. © Grand Palais Rmn (Sèvres – Manufacture et musée nationaux) / Sylvie Chan-Liat

Le Japon à la conquête du monde

Considérée comme le berceau de la production de porcelaine au Japon, la pittoresque ville d’Arita, située près de Nagasaki, abrite toujours la manufacture fondée en 1875 par Ezaiemon Fukagawa. Au début de l’ère Meiji qui voit le pays s’ouvrir à l’Occident et se moderniser à marche forcée, l’audacieux entrepreneur se lance dans l’exportation de céramiques. Exposé dans « La chambre des merveilles », ce Plat aux jardins de chrysanthèmes destiné à séduire une clientèle européenne fascinée par l’Asie est caractéristique de la production de la manufacture. Technique mixte complexe, le iro-e Kinsai permet ici d’associer la poudre d’or à la subtile palette d’émaux polychromes pour un résultat particulièrement raffiné.

Manufacture Fukagawa, Plat aux jardins de ­chrysanthèmes, Arita, Japon, dernier quart du XIXe siècle. Porcelaine dure, or et émaux sur couverte (iro-e Kinsai). Sèvres, musée national de Céramique.

Manufacture Fukagawa, Plat aux jardins de ­chrysanthèmes, Arita, Japon, dernier quart du XIXe siècle. Porcelaine dure, or et émaux sur couverte (iro-e Kinsai). Sèvres, musée national de Céramique. Photo service de presse © Grand Palais Rmn (Sèvres – Manufacture et musée nationaux) / Martine Beck-Coppola

L’argile, de l’utile au sublime

Prothèses dentaires, boutons bariolés destinés aux maisons de couture, solides touries fabriquées à Sèvres durant la Première Guerre mondiale pour contenir les acides nécessaires à la fabrication d’explosifs… La terre se prête décidément à tous les usages ! Mais elle ne cesse bien sûr de servir la créativité des artistes. De François Boucher à Giuseppe Penone, ils sont nombreux à avoir collaboré avec les artisans de la manufacture qui s’impose aujourd’hui comme un laboratoire autant qu’un conservatoire. S’il a imaginé plusieurs formes et décors pour Sèvres, le buriniste et illustrateur Roger Vieillard (1907-1989) signe aussi ce singulier Galet musical, véritable objet d’art alliant magistralement le fameux bleu de cobalt devenu la couleur emblématique de Sèvres, et l’or que la manufacture est l’une des rares à utiliser pur. 

Roger Vieillard (1907-1989), Galet musical, Manufacture de Sèvres, 1975. Porcelaine dure,or 24 carats.

Roger Vieillard (1907-1989), Galet musical, Manufacture de Sèvres, 1975. Porcelaine dure,or 24 carats. Photo service de presse © Grand Palais Rmn (Sèvres – Manufacture et musée nationaux) / Sylvie Chan-Liat

« C’est toujours l’heure du thé »

Dans la section « Joyeux anniversaire », tasses et théières sont de sortie pour un goûter digne d’Alice au Pays des Merveilles ! D’abord réservés à une élite, services à café, chocolatières et sucriers se démocratisent au XIXe siècle. Sèvres s’est toujours distinguée en imaginant des formes originales pour servir les boissons exotiques, telle cette théière Crevette à décor de faux bois d’Adrian Saxe. Le musée conserve aussi des pièces provenant de la province du Jiangzu (Chine), de Séville ou de Thuringe (Allemagne), dont un excentrique Tête-à-tête inspiré par une Asie fantasmée (XIXe siècle).

Adrian Saxe (né en 1943), théière Crevette, Manufacture de Sèvres, 1984. Porcelaine, H. 32,5 cm. Sèvres, musée national de Céramique.

Adrian Saxe (né en 1943), théière Crevette, Manufacture de Sèvres, 1984. Porcelaine, H. 32,5 cm. Sèvres, musée national de Céramique. Photo service de presse © Grand Palais Rmn (Sèvres – Manufacture et musée nationaux) / Martine Beck-Coppola

« Merveilles ! », jusqu’au 10 mars 2025 au musée national de Céramique de Sèvres, 2 place de la Manufacture, 92310 Sèvres. Tél. 01 46 29 38 18. www.sevresciteceramique.fr

Catalogue, coédition Sèvres manufacture et musée nationaux / Gourcuff Gradenigo, 192 p., 25 €.