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Notre‑Dame de Paris restaurée (8/12). La splendeur des vitraux

Les baies 200 à 202 : Glorification de la Vierge entourée de l’Annonciation et de la Visitation, par Laurent Charles Maréchal de Metz, 1859.

Les baies 200 à 202 : Glorification de la Vierge entourée de l’Annonciation et de la Visitation, par Laurent Charles Maréchal de Metz, 1859. © Ministère de la Culture, Inventaire général, dist. RMN

L’ampleur et la majesté des verrières de la cathédrale Notre-Dame témoignent avec éclat des conquêtes architecturales du gothique. Au côté des trois admirables roses du XIIIe siècle, et bien loin des actuelles polémiques sur l’ajout de vitraux contemporains à l’édifice, le programme conçu par Viollet-le-Duc au XIXe siècle se voulait un hommage aux réalisations médiévales.

Du programme original de la cathédrale il ne reste plus que la rose de la façade ouest et celles du transept, datées du XIIIe siècle. Ces verrières aux dimensions exceptionnelles se lisent toutes trois à la lumière de la relation qu’elles entretiennent avec le programme sculpté déployé sur les façades de l’édifice.

La rose ouest

La rose ouest, datée des années 1220 et comparable à plusieurs ensembles de vitraux du nord de la France, présente des figures de prophètes et illustre une psychomachie (combat des vices et des vertus), un zodiaque et les travaux des mois. Une importante restauration eut lieu au XVIe siècle, comme en témoignent quelques panneaux créés à cette époque, figurant plusieurs prophètes, le mois de juin et l’orgueil. En 1854, Nicolas Coffetier et Louis Steinheil restaurèrent cette verrière et refirent une partie des panneaux dans le style du XIIIe siècle, parmi lesquels l’oculus central où figure la Vierge. Deux médaillons, une Tentation d’Adam et Ève et une scène de sacrifice, retirés de la rose au XIXe siècle, ont été replacés en 1965 dans les baies de la chapelle d’Harcourt.

La rose nord

Les deux roses du transept ont été exécutées après le milieu du XIIIe siècle. La rose nord, remontant au milieu du siècle, est certainement la mieux conservée. Elle peut être rapprochée de panneaux de la Sainte-Chapelle et surtout de la production d’un atelier actif à la chapelle de la Vierge de Saint-Germain-des-Prés. La Vierge est entourée de figures de l’Ancien Testament : des rois, des prophètes, des patriarches et des grands prêtres identifiés par des phylactères. Les écoinçons inférieurs illustrent l’anéantissement de l’antéchrist. Entre 1862 et 1864, la verrière fut restaurée par Alfred Gérente avec la collaboration d’Adolphe Napoléon et Édouard Didron. Deux panneaux représentant des anges, retirés de la rose à cette occasion, sont conservés au musée Ariana de Genève, où ils sont entrés avant 1905, et deux autres ont été vendus chez Sotheby’s en 2015.

La rose nord de Notre‑Dame, XIIIe siècle.

La rose nord de Notre‑Dame, XIIIe siècle. © Ministère de la Culture, Inventaire général, dist. RMN – P. Fortin

La rose sud

Les vitraux de la rose sud peuvent être datés de la fin des années 1260. L’œuvre met en exergue les martyrs assistés d’anges tenant des couronnes en périphérie et possède une connotation eschatologique avec, autour du Christ, les vierges sages et les vierges folles. La rose subit d’importantes réparations au XVIe siècle puis en 1726 ; plusieurs panneaux d’une vie de saint Matthieu, datés vers 1180 et dont on ignore la provenance, y ont sans doute été insérés à cette époque. Une Fuite en Égypte et un Jugement de Salomon, de la première moitié du XIIIe siècle, sont également des remplois. Entre 1858 et 1861, Viollet-le-Duc reconstruisit entièrement la maçonnerie : la restauration des vitraux fut confiée à Alfred Gérente. Beaucoup de panneaux furent alors recomposés et réagencés. Une Annonciation de la fin du XIIIe siècle, remployée dans l’ouverture jusqu’en 1861, se trouve désormais conservée au musée Fritz Mayer van den Bergh d’Anvers.

Détail d’un médaillon de la rose sud représentant saint Denis, XIIIe siècle.

Détail d’un médaillon de la rose sud représentant saint Denis, XIIIe siècle. © Centre André Chastel – M. Hérold

Un décor orchestré par Viollet-le-Duc

La majeure partie des vitraux de la cathédrale ayant été supprimée dans la première moitié du XVIIIe siècle, l’architecte Eugène Viollet-le-Duc dut recomposer le décor vitré à partir de descriptions anciennes, de fragments existant encore dans l’édifice, ou en prenant modèle sur les vitraux d’autres cathédrales. Le programme, mis en œuvre à partir de 1855, se voulait le plus respectueux possible des traditions médiévales ; l’architecte fit appel aux meilleurs peintres verriers pour exécuter des représentations à grandes figures pour les baies hautes, des vitraux légendaires pour quelques chapelles et des verrières ornementales dites « en grisaille » pour le reste de l’édifice.

« L’habileté de l’architecte fut de réussir à placer côte à côte des œuvres de sept artistes différents sans que l’on puisse constater de disharmonie entre elles. »

Les fenêtres hautes du chœur et du transept furent confiées à Laurent Charles Maréchal de Metz, qui créa de grandes figures sur des fonds aux couleurs très vives, bleu et rouge ; au centre une Glorification de la Vierge entourée d’une Annonciation et d’une Visitation puis, dans les travées droites, un cortège composé de prophètes, de rois et patriarches, d’apôtres et des évêques de Paris. Dans la chapelle d’axe prirent place trois verrières consacrées à la Vierge par Antoine Lusson, Nicolas Coffetier et Alfred Gérente. Dans la chapelle voisine, au sud, deux verrières de l’atelier de Didron représentant les vies de Saint-Louis et de saint Eustache vinrent entourer une vie de saint Étienne par Eugène Oudinot. Une seule chapelle de la nef reçut un vitrail figuratif : un Arbre de Jessé aboutissant au sommet à une représentation de sainte Anne et la Vierge, œuvre de Didron. Le reste des baies des chapelles fut orné de verrières ornementales ; elles présentent des motifs différents d’une baie à l’autre, qui s’inspirent de modèles des XIIe-XIVe siècles. Les fenêtres hautes de la nef ainsi que celles des tribunes reçurent également des verrières ornementales.

Détail du soubassement d’une verrière de Laurent Charles Maréchal de Metz, 1859, en cours de restauration (octobre 2022).

Détail du soubassement d’une verrière de Laurent Charles Maréchal de Metz, 1859, en cours de restauration (octobre 2022). © Centre André Chastel – M. Hérold

Le programme conçu par Viollet-le-Duc fut achevé vers 1865. L’habileté de l’architecte fut de réussir à placer côte à côte des œuvres de sept artistes différents sans que l’on puisse constater de disharmonie entre elles. Le choix du peintre Louis Steinheil comme cartonnier de la plupart des verrières contribua certainement à renforcer l’unité de style.

De nouveaux vitraux pour Notre-Dame

En 1935, douze peintres verriers proposèrent de remplacer les grisailles des baies hautes de la nef par leurs propres créations. Un programme iconographique, supervisé par Eugène Rattier, inspecteur général des Monuments historiques, et le cardinal Verdier, archevêque de Paris, proposa la représentation de grandes figures de saints placées sous l’illustration de douze versets du Credo. La polémique très intense qui entoura la création de ces nouveaux vitraux n’empêcha pas leur pose dans la nef où ils restèrent jusqu’en septembre 1939 avant leur dépose, leur mise en caisse et leur restitution à leurs auteurs. En 1952, le projet de création fut repris. À partir de 1961, le peintre verrier Jacques Le Chevallier fut chargé d’exécuter les vitraux non figuratifs, tous différents, des fenêtres hautes de la nef et des tribunes, dont les derniers furent placés en 1967. Ainsi s’achevait le renouvellement des vitraux de la cathédrale initié un siècle plus tôt par Viollet-le-Duc.