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Du nouveau sur les Âges des métaux en Charente-Maritime

Vue aérienne de l’établissement à enclos fossoyé de l’Âge du fer (en rouge, l’emplacement des bâtiments sur poteaux en matériau périssable).

Vue aérienne de l’établissement à enclos fossoyé de l’Âge du fer (en rouge, l’emplacement des bâtiments sur poteaux en matériau périssable). © Hadès 2022

À la faveur d’un nouveau projet d’aménagement au cœur d’une ancienne friche ferroviaire, porté par la communauté d’agglomération de La Rochelle, la Scop Hadès a entrepris une fouille préventive d’une surface d’environ 68 000 m2. L’opération, qui s’est déroulée en 2022, se situe dans l’écoquartier de Bongraine, sur la commune d’Aytré, à un peu moins d’1 km de la côte atlantique actuelle. Les occupations mises au jour couvrent neuf phases chronologiques, depuis le Néolithique ancien jusqu’à la fin de l’Antiquité.

Cette petite nécropole se compose d’un monument funéraire formé par un enclos circulaire fossoyé d’une dizaine de mètres de diamètre.

Un ensemble funéraire au caractère novateur

Il réunit trois sépultures individuelles et une double. La plus ancienne, pouvant être considérée comme celle fondatrice, se trouve à peu près au centre de l’enclos. Deux autres sont aménagées dans le comblement du fossé d’entourage et la tombe double est installée à un peu moins de 2,50 m au nord-est de l’enclos. Trois d’entre elles présentent une architecture funéraire mixte composée d’un coffrage en pierres, assurant le maintien d’une structure en bois disparue. Deux plus gros blocs équarris et positionnés sur le dessus des coffrages sont considérés comme des stèles. Les défunts, quatre sujets de taille adulte et un enfant, sont systématiquement installés sur le côté gauche, dans une position contrainte avec les membres repliés. Deux individus ont été inhumés avec de la parure, associant métal et coquillage pour l’un et 150 perles en coquillage accompagnées de cinq dents animales percées pour le second. Ce petit ensemble funéraire revêt un caractère novateur puisqu’il serait l’un des premiers sites de l’Âge du bronze ancien à livrer deux stèles funéraires en position primaire et des éléments de parure associés aux défunts. La présence d’une sépulture double, enfin, réunissant un adulte et un enfant, s’ajoute au caractère original de cette nécropole.

Architecture funéraire d’une sépulture de l’Âge du bronze ancien.

Architecture funéraire d’une sépulture de l’Âge du bronze ancien. © Hadès 2022

Un établissement rural du second Âge du fer

Les établissements ruraux à enclos fossoyé de la fin du second Âge du fer demeurent rares dans le nord de la Charente-Maritime. Celui d’Aytré se compose de deux systèmes accolés composés chacun de deux fossés perpendiculaires. Avec un profil soigné et creusés dans le substrat calcaire, ils atteignent jusqu’à 2,80 m de large et 1,60 m de profondeur conservée. Ils étaient doublés d’un talus interne et d’une entrée aménagée au sein du second enclos sur son côté sud-est. Au moins deux bâtiments construits en matériaux périssables ont été édifiés dans ce secteur. Les fossés du second état sont plus imposants : l’agrandissement de la surface et le creusement de structures plus massives témoignent de la volonté du propriétaire des lieux d’afficher sa puissance. L’analyse du mobilier céramique et amphorique a permis de dater précisément les deux systèmes d’enclos : le premier état commence à être comblé lors du dernier quart du IIe siècle avant notre ère (La Tène D1) alors que le second a été rempli entre 80 et 30 avant notre ère (La Tène D2).

Architecture funéraire d’une sépulture de l’Âge du bronze ancien.

Architecture funéraire d’une sépulture de l’Âge du bronze ancien. © Hadès 2022

Faune domestique…

Si ces vestiges sont partiels, la fouille minutieuse des différents comblements et l’analyse précise du mobilier ont apporté un lot d’informations importantes sur les modes de vie et l’environnement. La vaisselle céramique se rapporte à la sphère domestique avec des poteries liées au stockage des denrées, à la préparation des aliments et au service des boissons. La présence d’amphores italiques témoigne de l’intégration des populations gauloises de Charente-Maritime aux réseaux d’échange avec le monde méditerranéen. En ce qui concerne l’alimentation carnée, la triade domestique domine l’assemblage, les ovicaprinés en tête, devant le bœuf et le porc ; mais c’est le chien qui se trouve en troisième position en termes de nombre de restes identifiés. Le cheval complète cette liste domestique.

… et sauvage

La faune sauvage est bien représentée par l’intermédiaire du cerf et des oiseaux. Le pic d’abattage des ovicaprinés dans l’intervalle (2-4 ans) marque une gestion du cheptel tournée vers la production de lait. De plus, leur part prépondérante dans le spectre faunique serait le reflet d’une intensification de cette production. À l’inverse, l’élevage des bovins était orienté vers la production de viande. La très grande quantité de coquilles de patelles et, dans une moindre mesure, de palourdes témoigne d’une exploitation intense des ressources maritimes et de leur part non négligeable dans l’alimentation. Tous ces éléments sont le reflet de la vie d’une petite communauté vivant d’agro-pastoralisme durant quelques générations avant la conquête césarienne. Après plusieurs siècles sans occupation, le site est réinvesti à l’époque moderne et surtout au XXe siècle à la fin de la Première Guerre mondiale. Ces nombreux vestiges feront l’objet d’un article dans un prochain numéro.