Quinson à l’heure du bronze

En 1985, à Buoux, en plein cœur du Luberon, les labours faisaient sortir de terre une imposante pierre gravée, bientôt associée, grâce aux sondages archéologiques menés par André Müller, à un vase cinéraire – un indice probable de sa fonction de marquage funéraire.

Datée entre 1100 et 850 avant notre ère, la stèle, haute d’1,53 m, était ornée de trois éléments fortement évocateurs de la panoplie d’un guerrier : un bouclier à échancrure représenté par trois cercles concentriques entourés de 19 cupules figurant les rivets, une courte épée et un casque vu de profil. Ce monument n’était pas tout à fait isolé : dix ans plus tôt, un fragment très lacunaire d’une pièce comparable avait été retrouvé, sans être rendu public, sur la même commune… Habituellement visibles au sein du musée Marc Deydier de Cucuron, les deux stèles s’installent à Quinson au sein d’une salle dédiée qui leur redonne vie sous le trait de crayon de Pierre-Yves Videlier, auteur d’une restitution de la scène de mise en terre de l’urne. L’exposition rend aussi compte de leur caractère exceptionnel et des comparaisons possibles : « Dans le Sud de la France, les images attribuées de l’Âge du bronze restent très rares, expliquent la directrice Sylvie Jurietti et Jules Masson Mourey, qui assurent tous deux le commissariat de l’exposition. Seule la Corse, avec ses statues-menhirs armées, fait exception. Les figurations sont en revanche nombreuses dans le Sud-Ouest de la péninsule Ibérique et la stèle de Buoux se rapproche fortement de celle de Solana de Cabañas. Entre Provence et Espagne, un seul jalon intermédiaire est pour l’instant connu : la stèle de Sextantio, dans l’Hérault. »

Stèle de Buoux, Salen (Vaucluse), Musée Marc Deydier, Cucuron. © Michel Olive, Service régional de l'archéologie

Autre richesse régionale mise ici à l’honneur : l’abondance des dépôts métalliques enfouis, très communs au bronze final dans les Alpes du Sud. Au côté de celui de Moriez, intégré de longue date au parcours permanent, le visiteur pourra également admirer celui de Méouilles, découvert à Saint-André-les-Alpes : le musée d’Archéologie nationale (MAN) a prêté pour l’occasion les falères coniques à décors géométriques, les pendeloques, chaînettes et autres suspensions appartenant à ses collections – même si elles ne constituent qu’une partie d’un dépôt malheureusement dispersé. La section métallurgie ­présente enfin, le temps de l’exposition, quatre haches du MAN retrouvées à Saint-Véran, haut lieu d’exploitation du cuivre dans les Hautes-Alpes, ainsi qu’une reproduction expérimentale de l’épée de Digne réalisée par l’association Chalcophore : cet unicum, découvert dans les années 1930 et donné récemment au musée de Préhistoire, s’accompagne d’une reconstitution en quatre étapes, du modèle en bois à l’arme finie en passant par le moule au sable et l’épée brute de coulée. Des enrichissements appelés à perdurer au-delà de cette année-anniversaire : l’ensemble de Méouilles devrait faire l’objet d’un dépôt à long terme, à même de valoriser ce patrimoine à proximité de son lieu d’origine. 

Objets du dépôt de l’Âge du bronze de Moriez, Jas de Bernard. Musée de Préhistoire des gorges du Verdon. © Jean-Michel d’Agruma, département des Alpes-de-Haute-Provence ­