L’ultime exposition de Frank Stella au domaine de Panéry

Frank Stella (1936-2024), Wooden Star I, 2024. Teck, 399 x 399 x 399 cm.

Frank Stella (1936-2024), Wooden Star I, 2024. Teck, 399 x 399 x 399 cm. Photo service de presse. © Oliver Campbell © Adagp, Paris, 2024

Dans le Gard, près d’Uzès, la galerie d’art contemporain Ceysson & Bénétière s’est installée en 2022, parmi les oliviers et les vignes, au domaine de Panéry. Après Claude Viallat et Gloria Friedmann, elle y présente cet été « Frank Stella, Recent Works », exposition-hommage à l’artiste américain décédé en mai dernier. Voyage au coeur du corpus d’un plasticien qui ne s’est jamais laissé enfermer dans un style.

Dans une dynamique colorée, tantôt géométrique et rigoureuse, tantôt chaotique, trente lithographies, peintures, sculptures-installations et collages de l’artiste « minimaliste », devenu au fil de sa carrière « maximaliste », se déploient avec majesté dans l’espace d’exposition principal et dans un autre, ouvert seulement l’été, près du site d’embouteillage. Orchestré par l’artiste avant qu’il ne décède, l’événement présente des pièces produites entre 1983 et 2024. Des oeuvres de la série K, de celle des Fluid Motion Extended témoignent, parmi d’autres, de son art en perpétuelle réinvention. Semblant aux antipodes de ses Black Paintings, tableaux minimalistes aux bandes noires des années 1960, qui ont fait sa réputation, elles découlent d’une réflexion menée depuis soixante ans. En effet, chez Frank Stella, toute pièce en engendre de nouvelles. Imposant tableau de 1983, La prima spada e l’ultima scopa, aux coups de pinceaux colorés, visibles, énergiques, présente des volumes qui s’extirpent de la surface picturale et s’émancipent du cadre. D’autres s’apparentent tantôt à des bas-reliefs baroques, tantôt à des sculptures expressionnistes, lyriques, synthèse de ses recherches menées sur la planéité. De même, les oeuvres de la série K K123, K502, K410, K408 – mêlant plastique élasto, tubes d’acier impression 3D et couleurs néo pop, et de la série Fluid Motion Extended, réalisées à partir de peinture automobile et d’aluminium RPT, mettent en évidence une cacophonie de reliefs enchevêtrés. Suspendues à des socles sur roulettes, certaines d’entre elles sont des oeuvres-trophées qui évoquent un réseau de flux, la circulation des fluides, semblable au mouvement des volutes de fumée représentées en 3D, visibles dans la série Fluid Motion Extended.

Frank Stella (1936-2024), K 410, 2013. ABS RPT et acier inoxydable, 254 x 167 x 160 cm.

Frank Stella (1936-2024), K 410, 2013. ABS RPT et acier inoxydable, 254 x 167 x 160 cm. Photo service de presse. © Frank Stella studio © Adagp, Paris, 2024

Si ces pièces interrogeant l’espace et sa possibilité de régénération découlent d’une pensée au départ minimaliste, elles en sont, malgré tout et en filigrane, une critique. Des oeuvres au sein desquelles on note aussi souvent la présence d’étoiles. Ces leitmotive plastiques, version mini dans les tableaux-sculptures, version difractée dans une Split Star en inox peint, ou encore maxi dans Wooden Star I, monumentale et élégante sculpture en teck, installée dans le parc, conféreraient-ils au corpus de Stella – qui n’a jamais aussi bien porté son nom ! – une dimension cosmique ? Quoi qu’il en soit, il est encore ici question d’univers qui s’élargit, pour atteindre une nouvelle amplitude. Volutes multicolores, tubes d’acier et socles industriels, tableaux aux formes géométriques et énergiques au chromatisme éclatant, l’exposition au domaine de Panéry illustre la pratique plurielle d’un artiste résolument inqualifiable. Ayant assimilé les leçons des avant-gardes et de l’art d’après-guerre, le chantre du minimalisme américain finit par créer des ouvrages indéfinis, libérés de la platitude et de l’illusion.

« Frank Stella, Recents works », jusqu’au 30 octobre 2024 au domaine de Panéry, Galerie Ceysson & Bénétière, Route d’Uzès, 30210 Pouzilhac. Tél. 04 66 37 04 44. www.ceyssonbenetiere.com